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Sujet: Re: Crise sociale 16/1/2011, 06:08
éna wahda ménnés manfêtich. mou7assaroun mén 9ibal el ghannouchi wou 7ézb etta7rir..
haw les intégristes élli ma mafemmech, haw élli hétha elkoll klém élitiste mad'houn bél caviar..
60 jours yè bougalb..
Ghoul Homo Pacificus
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Sujet: Re: Crise sociale 16/1/2011, 09:49
Allez, malgré l'incertitude, la peur et la souffrance, prenons au moins ces 50 secondes de bonheur :
El_Manchou Homo Genius
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Sujet: Re: Crise sociale 16/1/2011, 13:52
est ce que la banque zeitouna a fait faillite du coup ???
tatoum Homo Habilis
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Sujet: Re: Crise sociale 16/1/2011, 16:36
lilia a écrit:
Boussa marsoussa tatoum !! et un free hug kén t7eb zéda !!
.
Mabrouk 3'lina Lilia ! une pensée pour nos martyrs ! esperant que tout rentrera dans l'odre est que bientot tout cela sera derriére nous, il faut cesser la chasse aux sorcieres et se mettre tout de suite au travail, on va pas perdre son temps avec ca! et les methodes fascistes appliquées en ce moment meme par une partite de la population sur un autre est abominable, bouazizi n'est pas mort pour ca ! si coupables il y a , des enquetes il y aura, et à mon avis, ce n'est pas l'elimination physique des personnes qui va nous rendre nos martyrs, il faut cesser cela, et frapper la ou ca fait le plus mal le porte monnaie!!!!!
tatoum Homo Habilis
Nombre de messages : 988 Date d'inscription : 11/09/2007
Sujet: Re: Crise sociale 16/1/2011, 16:58
Ghoul a écrit:
Allez, malgré l'incertitude, la peur et la souffrance, prenons au moins ces 50 secondes de bonheur :
.
J'ai un grand espoir pour que ca sera l'image de nos manifs de demain ! nos manifs seront sans violence car la terreur a ete vaincu et que la violence n'a plus raison d'etre !
Kahéna Homo Addictus
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Sujet: Re: Crise sociale 16/1/2011, 17:32
Magnifique cette video!
AsTaZ Homo Habilis
Nombre de messages : 151 Age : 47 Localisation : Ariana Date d'inscription : 30/08/2008
Sujet: Re: Crise sociale 16/1/2011, 23:18
tatoum a écrit:
Ghoul a écrit:
Allez, malgré l'incertitude, la peur et la souffrance, prenons au moins ces 50 secondes de bonheur :
.
J'ai un grand espoir pour que ca sera l'image de nos manifs de demain ! nos manifs seront sans violence car la terreur a ete vaincu et que la violence n'a plus raison d'etre !
de quelle manifestation tu parles demain ? demain on recommence à travailler pour le bien de notre pays
Ghoul Homo Pacificus
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Sujet: Re: Crise sociale 17/1/2011, 05:47
tatoum a écrit:
Ghoul a écrit:
Allez, malgré l'incertitude, la peur et la souffrance, prenons au moins ces 50 secondes de bonheur :
.
J'ai un grand espoir pour que ca sera l'image de nos manifs de demain ! nos manifs seront sans violence car la terreur a ete vaincu et que la violence n'a plus raison d'etre !
C'était déjà le cas pour cette manif qui s'est passé pacifiquement pendant des heures, je dirais même que l’ambiance était bon enfant malgré la tension. des dizaines de milliers de personnes, aucune casse, aucune dégradation, aucun acte illgéal.
ça ne s'est dégradé que parce que les flics ont reçu l'ordre de disperser la manif et ils ont commencé à balancer les lacrymos.
Si l'Etat nous laisses manifester, on manifeste pacifiquement.
tatoum Homo Habilis
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Sujet: Re: Crise sociale 17/1/2011, 13:10
@ ASTAZ :
ce que je voulais dire, par demain, c'est à dire à l'avenir dans un futur proche, une fois la démocratie installée
@ghoul:
je sais bien qu'à chaque fois que ca dégénère il y a pratiquement toujours la main de la basse flicaille, provoc, mais aussi panique de leur part ils se sont trop habitué à la matraque ces abrutis, et donc demain , à l'avenir car je crois à l'instauration de la democratie en Tunisie(les dictateurs n'ont plus le choix), nos manifestations se feront sans heurts et sans effusion de sang! car ca sera la democratie chose à laquelle j'y crois dur comme fer, je ne sais pas pourquoi mais je suis trés trés optimiste!
félicitations à tous !
lilia Homo Addictus
Nombre de messages : 1290 Age : 39 Date d'inscription : 04/02/2008
Sujet: Re: Crise sociale 17/1/2011, 13:18
Ghoul a écrit:
C'était déjà le cas pour cette manif qui s'est passé pacifiquement pendant des heures, je dirais même que l’ambiance était bon enfant malgré la tension. des dizaines de milliers de personnes, aucune casse, aucune dégradation, aucun acte illgéal.
ça ne s'est dégradé que parce que les flics ont reçu l'ordre de disperser la manif et ils ont commencé à balancer les lacrymos.
Si l'Etat nous laisses manifester, on manifeste pacifiquement.
la façon dont ça a dégénéré est certes inexcusable ( du point de vue la violence de la police) mais aussi, une manifestation quand elle est autorisée et organisée en général elle doit respecter le temps qui lui a été "accordé" et je peux très bien comprendre que vu le contexte, s'occuper des 14h n'était pas une priorité pour beaucoup et que peut-être moi-même si j'y étais je serais restée plus longtemps , ça n'empêche qu'il s'agit bien d'un point à ne pas écarter.. le fait de ne pas avoir respecté ce détail..
mais je ne sais pas, je n'y étais pas, donc, ce n'est qu'une hypothèse..
lilia Homo Addictus
Nombre de messages : 1290 Age : 39 Date d'inscription : 04/02/2008
Sujet: Re: Crise sociale 17/1/2011, 14:08
lilia a écrit:
Ghoul a écrit:
C'était déjà le cas pour cette manif qui s'est passé pacifiquement pendant des heures, je dirais même que l’ambiance était bon enfant malgré la tension. des dizaines de milliers de personnes, aucune casse, aucune dégradation, aucun acte illgéal.
ça ne s'est dégradé que parce que les flics ont reçu l'ordre de disperser la manif et ils ont commencé à balancer les lacrymos.
Si l'Etat nous laisses manifester, on manifeste pacifiquement.
la façon dont ça a dégénéré est certes inexcusable ( du point de vue la violence de la police) mais aussi, une manifestation quand elle est autorisée et organisée en général elle doit respecter le temps qui lui a été "accordé" et je peux très bien comprendre que vu le contexte, s'occuper des 14h n'était pas une priorité pour beaucoup et que peut-être moi-même si j'y étais je serais restée plus longtemps , ça n'empêche qu'il s'agit bien d'un point à ne pas écarter.. le fait de ne pas avoir respecté ce détail..
mais je ne sais pas, je n'y étais pas, donc, ce n'est qu'une hypothèse..
je n'arrive tout simplement pas à le croire.. c'est horrible !!
Shad' Ow Homo Addictus
Nombre de messages : 1658 Age : 40 Date d'inscription : 03/07/2007
Sujet: Re: Crise sociale 17/1/2011, 17:56
Depuis le début, y avait des gens "bizarres" dispatchés un peu partout dans la foule. à coté de moi un homme s'est mis à agresser un autre sans raison en criant qu'il faisait partie du rcd. Tout le monde s'est mobilisé pour le calmer et le type en question a dû faire sortir sa CIN & la brandir sous le nez de son agresseur pour lui dire qu'il est syndicaliste.
Non seulement la manif' était pacifique, mais elle essayait d'absorber toute provocation & toute violence. ça a dû finir par les agacer.
Pour les viols et les agressions, avec tout ce que j'ai vu et entendu ces derniers jours, plus rien ne m'étonne.
trainspotting Homo Habilis
Nombre de messages : 939 Age : 43 Date d'inscription : 12/01/2008
Sujet: Re: Crise sociale 17/1/2011, 21:33
Ghoul a écrit:
Allez, malgré l'incertitude, la peur et la souffrance, prenons au moins ces 50 secondes de bonheur :
.
j'y étais je me pinçais pour y croire.
Ghoul Homo Pacificus
Nombre de messages : 2552 Age : 50 Date d'inscription : 02/07/2007
Sujet: Re: Crise sociale 18/1/2011, 00:00
on se rappellera de cette journée toute notre vie... quelque soit l'issue de la révolution.
tatoum Homo Habilis
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Sujet: Re: Crise sociale 18/1/2011, 13:49
je ne suis pas de nature trop optimiste, mais la je ne sais pas j'ai un fol espoir pour que tout cela finira par quelque chose de bien, et l'issue de cette belle revolution se terminera bien, et surtout , et surtout au risque de me répéter est que aucun apprenti dictateur, ne prendra le risque de nous imposer quoi que ce soit, il chieront dans leurs froc bien avant, en tout cas je vous envi vous tous qui avaient vecu cela en direct!
Belial Homulus Administratus
Nombre de messages : 1722 Age : 68 Date d'inscription : 04/07/2007
je n'arrive tout simplement pas à le croire.. c'est horrible !!
J'ai failli subir la même chose. J'étais coincé sur le toit d'un immeuble. C'était un miracle de pouvoir s'en sortir. Je voyais les policiers tirer à balles réelles, le gaz qui atteint les toits des immeubles, les policiers qui frappaient et fouillaient toute personne, homme ou femme, motirisée ou à pieds, qui passait après que les choses se soient un peu calmées. Ils ne voulaient pas me laisser partir, et au moment de l'ouverture des portes de l'immeuble, ils se sont rués dedans, et on entendait plein de cris. On ne pouvait même pas s'arrêter une seule seconde pour voir ce qui allait se passer. Une vieille femme nous a logés, on allait passer la nuit chez elle, en haut, dans une petite pièce d'un mètre sur trois, et il y avait aussi un garçon qui a dû prendre plein de coups pour rien... Bref, ça ne m'étonne pas du tout ce que dit cet article.
Je vais poster des vidéos de ce que j'ai pu filmer plus tard.
Belial Homulus Administratus
Nombre de messages : 1722 Age : 68 Date d'inscription : 04/07/2007
Sujet: Re: Crise sociale 19/1/2011, 15:59
Voilà un "collage" de ce que j'ai pu filmer le 14 janvier 2011 :
Et là, les gars d'Ennahdha commencent à agir : https://www.facebook.com/note.php?note_id=10150095192731670&id=1262332979 https://www.facebook.com/note.php?note_id=104869479590103&id=191183954244621
El_Manchou Homo Genius
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Sujet: Re: Crise sociale 29/1/2011, 00:29
oui j'ai vu ces vidéo, machallah !!
il y a des signes qui netompent pas
lilia Homo Addictus
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Sujet: Re: Crise sociale 1/2/2011, 15:13
est-ce que quelqu'un pourrait nous éclairer un peu plus à propos de ce qui se passe à tunis ? j'ai pas envie de demander ça sur FB pour ne pas ajouter ma pierre à l'édifice qui est "la panique" surtout avec toute l'intox qu'on fait circuler..
d'après ma mère : c'est la gabegie "totale" ; des rapts aux lycées, des maisons volées, et c'est partout, selon elle il y a beaucoup d'exagération pour apeurer les gens..
Kahéna Homo Addictus
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Sujet: Re: Crise sociale 1/2/2011, 16:21
Bien apparemment il y a en effet des kidnapping à Tunis, des viols, assassinat de jeune fille ou tentative, mais c'est pratiquement qq chose de logique car ces choses ont commencé 48h/24h plus tot dans les autres villes de Tunisie ( dans les coins plus reculés comme Sidi Hassine par exemple).
Donc on peut en conclure que ces milices reçoivent des ordres et les appliquent de manière centralisée, il faut alors prendre les devants en matière de sécurité, dès qu'on a une information dans une ville en Tunisie.
Grace à se sentiment d'insécurité, les gens vont être moins aptes à travailler et l'image de la Tunisie va se détériorer.
Kahéna Homo Addictus
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Sujet: Re: Crise sociale 2/2/2011, 14:33
Un très bel article ici:
version pdf : http://anneemaghreb.revues.org/923
Citation :
| Centre Tricontinental (CETRI) | www.cetri.be/spip.php?article2067 Tunisie Retour sur la révolte du bassin minier. Les cinq leçons politiques d’un conflit social inédit Lorsqu’elle a éclaté au début de l’année 2008, personne ne soupçonnait l’ampleur qu’allait prendre la révolte du bassin minier de Gafsa. Limitée au départ à des revendications socioprofessionnelles, elle a progressivement revêtu une dimension politique et protestataire qui fait d’elle un mouvement social emblématique de la crise du « système Ben Ali ». Sur le plan sécuritaire d’abord, où les modes d’encadrement autoritaires habituels se sont rapidement avérés incapables de contenir la contestation sociale, au point de remettre en cause la cohérence du dispositif répressif. Sur le plan économique, ensuite, la révolte du bassin minier est venue égratigner sérieusement le mythe de la « Tunisie dragon d’Afrique », le chômage, la précarité généralisée et la corruption constituant les principaux moteurs de la protestation. Sur le plan politique, enfin, dans la mesure où les forces d’opposition classiques et les syndicats se sont retrouvés dépassés par l’audace protestataire de citoyens ordinaires. En ce sens, le mouvement social du bassin minier est porteur de « leçons politiques », sur lesquelles il est nécessaire de revenir, afin d’appréhender la dégénérescence du Pacte de sécurité mis en place par le régime au cours de la décennie précédente.
par Larbi Chouikha , Vincent Geisser 31 janvier 2011 Au début de l’année de 2008 éclatait dans le bassin minier de Gafsa l’un des plus grands mouvements sociaux qu’ait connu la Tunisie depuis son indépendance. Au départ, personne n’aurait pensé, dans un pays totalement verrouillé par l’appareil sécuritaire, que des mères de familles, des adolescents, des « petites gens », des diplômés chômeurs ou de simples militants syndicaux puissent défier le régime des mois durant, au point que la « révolte » est considérée aujourd’hui comme le symbole de la résistance populaire à l’autoritarisme benalien. Alors que tous les observateurs étaient braqués sur la campagne pour les élections présidentielle et législative d’octobre 2009 et, que les opposants cooptés ou indépendants se mettaient déjà en marche pour participer symboliquement ou boycotter énergiquement un « scrutin sur mesure », l’expression du ras-le-bol a explosé là où on ne l’attendait pas forcément : la Tunisie de l’intérieur, déshéritée et oubliée (les « zones d’ombre » pour reprendre la rhétorique officielle du régime1) qui n’intéresse finalement pas grand monde et encore moins les correspondants de la presse étrangère trop accoutumés à leurs réseaux d’informateurs des « beaux quartiers » de la capitale (le triangle La Marsa-Sidi Bousaïd-Carthage). Et, il est vrai, qu’au départ, comme le souligne pertinemment le politologue Amin Allal (2010), le « mouvement » du bassin minier n’a pas été vraiment pris au sérieux par les partis d’opposition et les organisations des droits de l’Homme basés à Tunis, qui ont voulu y voir la résurgence d’une « révolte tribale », que le pouvoir n’aurait aucune difficulté à étouffer dans l’œuf par la distribution de gratifications matérielles et de subventions en tout genre. Selon cette vision élitiste, le clientélisme d’État n’aurait aucun mal à venir à bout de la colère des gueux, peu politisés et facilement « achetables », en dépit du fait que Gafsa reste dans l’esprit de nombreux Tunisiens la « ville indomptable » en référence à une très ancienne tradition de luttes syndicales et aux événements de 1980 (Baduel, 1982, p. 521-574). Or, c’est tout le contraire qui s’est passé : au fil des jours, le mouvement social n’a cessé de se politiser et de revêtir une dimension protestataire, outrepassant largement les registres social et professionnel des premiers temps (demandes d’embauche collective dans la Compagnie des phosphates de Gafsa).
Avec du recul, les analyses produites par les social scientists (Allal, 2010 ; Chouikha et Gobe, 2009, p. 387-420) et les observateurs engagés2 ont convergé pour mettre en exergue la charge politique et contestataire de la révolte du bassin minier, au point de se demander si elle n’anticipait pas les contours d’un mouvement social à venir qui, à moyen terme, pourrait ébranler les bases du régime. En somme, les spécialistes du champ politique tunisien ont longtemps estimé que les changements au « pays du jasmin » viendraient du « sérail tunisois » et des milieux élitaires : le mouvement de Gafsa laisse à penser, au contraire, que le « pays de l’intérieur » pourrait jouer aussi un rôle dans la redéfinition des enjeux politiques futurs et la transition vers un nouveau type de régime. La répression policière et judiciaire du mouvement (procès en première instance des 4 et 11 décembre 2008 et procès en appel du 3 février 2009) et la « clémence présidentielle » (libération des condamnés du bassin minier à l’occasion de la fête du 7 novembre 20093) n’enlèvent rien à la charge subversive de la révolte. Cette dernière continue à marquer les mémoires et sert consciemment ou inconsciemment de « modèle de mobilisation », même si celui-ci n’a jamais été pensé par les acteurs protestataires. Pour le dire plus simplement : désormais, il y aura un avant et un après Redeyef4. De ce point de vue, cinq « leçons politiques » peuvent être tirées de ce mouvement social inédit dans la Tunisie indépendante.
Le syndicat de salariés, l’UGTT, apparaît bien comme le « maillon faible » des agences de pouvoir (Camau et Geisser, 2003 ; Gobe, 2006, p. 174-192) : si la direction nationale est prompte à collaborer avec le gouvernement et, en particulier, avec le ministère de l’Intérieur, pour pacifier les luttes sociales, les instances régionales et locales, davantage proches de la base militante et de la population, ont montré qu’elles pouvaient à tout moment faire preuve d’audace protestataire, refusant toute forme d’allégeance au régime.
A contrario, les partis de l’opposition indépendante et les organisations des droits de l’Homme, en dépit d’une bonne insertion dans les réseaux internationaux et d’un soutien tardif aux activistes du bassin minier, sont apparus en total décalage avec le mouvement social, évoluant dans une « bulle élitaire », certes objet de tracasseries policières permanentes, mais finalement peu menaçantes pour les assises du régime. Pire, la majorité des intellectuels tunisiens se sont montrés relativement indifférents au mouvement social, comme si celui-ci par sa « nature populaire » n’était porteur d’aucune signification politique5.
Car, il est vrai qu’une sociologie « fine » des émeutiers du bassin minier6 révèle la prédominance des membres des classes populaires, des diplômés au chômage, des anciens salariés prolétarisés, des femmes seules avec enfants (veuves de mineurs), etc., qui contraste point par point avec l’assise sociale des partis et des ONG ayant pignon sur rue. Même les leaders du mouvement, membres des syndicats de base, appartiennent généralement à la classe moyenne intellectuelle en voie de paupérisation.
Contrairement à toutes les analyses qui soulignent une distanciation de facto entre les Tunisiens de l’intérieur et ceux de l’extérieur (immigrés, réfugiés politiques, anciens opposants islamistes et gauchistes), certains milieux de la diaspora tunisienne ont joué un rôle central dans les mobilisations, davantage impliqués que les élites tunisoises. Les « Tunisiens de l’étranger » ont non seulement contribué à rendre visible le mouvement social aux yeux de l’opinion publique internationale mais ont aussi apporté un appui logistique aux révoltés du bassin minier.
Enfin, la gestion policière du mouvement social par les autorités apparaît davantage comme le signe d’une certaine impuissance du pouvoir que d’une réelle maîtrise de la situation. Confronté à une contestation « spontanée » et « imprévue », le régime s’est lancé dans une fuite en avant sécuritaire qui apparaît davantage comme un signe de faiblesse que de puissance.
Tirant les enseignements sociopolitiques de la « révolte du bassin minier », nous allons brièvement développer ces cinq points qui, selon nous, sont susceptibles de peser sur l’évolution future de la configuration politique tunisienne.
Lire la suite de cet article
Lire les analyses des chercheurs de l’IREMAM parues sur les récents événements en Tunisie
Auteur-e-s: Larbi Chouikha Université de Manouba
- Vincent Geisser Pays & Région(s): Tunisie
Source-s: L’Année du Maghreb - décembre 2010
Dernière édition par Kahéna le 3/2/2011, 12:05, édité 1 fois
Kahéna Homo Addictus
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Sujet: Re: Crise sociale 2/2/2011, 14:46
suite
Citation :
]Les « deux UGTT » : la dissonance syndicale comme vecteur paradoxal de la dynamique protestataire (première leçon)
9Il est difficile pour un observateur peu familier du fonctionnement du champ syndical tunisien de saisir la position ambivalente de la centrale UGTT dans les conflits sociaux. Celle-ci est perçue, tantôt comme un « bras armé du régime », digne des syndicats uniques des anciennes démocraties populaires d’Europe de l’Est, tantôt comme une force d’opposition que certains ont même comparée à un parti politique8. En fait, cette ambivalence était déjà présente dès les premières années de l’indépendance de la Tunisie, où son leader historique, Ahmed Ben Salah – qui deviendra plus tard ministre de Bourguiba –, hésitait entre l’option syndicale et l’option partisane, avec le rêve secret de transformer l’UGTT en parti travailliste, capable de concurrencer le parti bourguibien, le Néo-Destour. À cette ambivalence de « nature historique », qui poursuit l’UGTT jusqu’à aujourd’hui, s’ajoute également une ambivalence de « nature structurelle » qui s’explique par le fait que l’UGTT est composée de syndicats de base, plus ou moins autonomes, et représentée à l’échelle de chaque gouvernorat par des unions régionales plus ou moins en « bonne entente » avec la direction nationale9. Sous les apparences d’un « grand paquebot syndical » monolithique, l’UGTT fait figure d’organisation composite, quasi polyarchique, qui lui permet de mieux résister que les autres organisations de la « société civile » (partis d’opposition, associations et ONG) aux pressions sécuritaires du régime et fait d’elle une menace permanente pour la stabilité du pouvoir d’État. Sur ce plan, les événements récents du bassin minier ont constitué une illustration parfaite, d’une part, de la dissonance entre la bureaucratie syndicale et les syndicats de base et, d’autre part, du potentiel subversif de l’activisme des leaders syndicaux locaux, confirmant une nouvelle fois la thèse du « maillon faible » :
8 Sur le site web officiel du syndicat, son secrétaire général, Abdesellam Jerad se défend de toute (...)
9 Sur le fonctionnement complexe de l’UGTT et ses relations avec le pouvoir, cf. Salah Hamzaoui (199 (...)
« L’UGTT apparaît comme le maillon faible du réseau des agences de pouvoir. Le leadership syndical est confronté aux protestations de militants syndicaux récusant l’alignement politique et aux tensions sociales générées par la libéralisation économique. Son intérêt de stabilité commande la neutralisation des opposants et rejoint en cela les préoccupations du Palais. Mais il lui faut également compter avec les implications des syndicats de base dans les conflits à l’échelle des entreprises. Il ne peut les appuyer sans réserve ni les contrer de manière frontale. Dans un cas comme dans l’autre son aptitude à gérer le secteur serait prise en défaut et planerait la menace d’un dérapage des conflits. » (Camau et Geisser, 2003)
10C’est précisément ce scénario qui s’est déroulé lors des événements du bassin minier. Des syndicalistes de la base, en conflit ouvert avec le secrétaire général régional de l’UGTT, Amara Abbassi, par ailleurs membre du comité central du parti présidentiel (RCD), ont contesté la validité des résultats du concours public organisé par la Compagnie des phosphates de Gafsa (GPG). La bureaucratie syndicale, accusée de faire le jeu du régime, en cautionnant le système de corruption et de favoritisme, s’est trouvée rapidement en porte à faux avec les syndiqués ordinaires mais aussi avec les représentants locaux de la centrale, davantage en phase avec les revendications populaires, comme le décrit Ammar Amroussia dans son essai de bilan sur la révolte du bassin minier :
10 Ammar Amroussia, « Le soulèvement des habitants du bassin minier : un premier bilan », op. cit. (...) « C’est peut-être la première fois que la fureur populaire se dirige ainsi contre l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et précisément vers l’Union régionale et les syndicats miniers. En effet, l’indignation des gens (traduite par des marches, des communiqués et des discussions) n’a pas été seulement exprimée à l’égard du régime, mais elle a touché les symboles de la corruption syndicale. Ces symboles, outre leur acceptation du résultat du concours, organisé par la CPG, leur implication dans l’esprit des hordes, des relations personnelles et de la corruption, et leur exploitation directe des ouvriers au moyen de sociétés de sous-traitance, ont une responsabilité dans la dégradation de la situation dans la région. L’UGTT et les syndicats miniers n’ont pas seulement gardé le silence, au contraire, ils ont refusé, lors du dernier conseil régional, de présenter tout simplement les contestations des habitants de la région10. »
11Dans un premier temps, la bureaucratie syndicale a donc été tentée de réprimer les syndicalistes « rebelles », en les désavouant publiquement : Adnane Hajji, l’une des figures charismatiques du mouvement social du bassin minier, a été ainsi suspendu de toute activité syndicale durant une période de cinq ans. Mais très rapidement, la direction de la centrale syndicale a dû faire machine arrière, au risque d’être totalement discréditée aux yeux de l’ensemble de ses adhérents et de ses militants de base : les syndicalistes « indociles » ont été réintégrés dans leurs fonctions et la direction de l’UGTT a fini par apporter un soutien – même timide et tardif – aux émeutiers traduits en justice, se distanciant par là de la politique répressive conduite par le régime.
Une opposition indépendante coupée du mouvement social : le signe de l’impuissance (deuxième leçon) 12Dans son étude sur le mouvement du bassin minier, le politologue Amin Allal relève que « durant les deux premiers mois de la mobilisation, les organisations politiques d’opposition, la “société civile” et la centrale syndicale gardent leurs distances avec les contestataires. En effet, les partis d’opposition, peu implantés en dehors de Tunis, sont à ce moment-là plus préoccupés par les préparatifs de l’élection présidentielle d’octobre 2009 » (Allal, 2010, p. 5). L’auteur ne fait pas référence ici aux organisations clientes du régime qui, elles, ont évidemment dénoncé en chœur les émeutiers comme des représentants du « parti de l’étranger »11, mais bien aux acteurs indépendants : le Parti démocrate progressiste (PDP), le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), Ettajdid (ancien Parti communiste tunisien), la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH), l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), etc. Le seul parti à avoir joué un rôle non négligeable dans le mouvement est le Parti communiste des ouvriers tunisiens (POCT), petite formation d’extrême gauche, dont certains militants ont pris une part active dans les protestations. Mais, d’une manière générale, l’opposition indépendante est restée coupée des acteurs contestataires. Or, ce retrait du mouvement social ne peut être expliqué uniquement par des variables conjoncturelles liées au contexte électoral (scrutins législatif et présidentiel d’automne) ou par la répression policière (coût de l’engagement) mais aussi par des variables structurelles liées à la faiblesse de l’assise sociale de cette opposition et à son isolement par rapport à de larges secteurs de la société tunisienne, en particulier à l’intérieur du pays. Nous retrouvons là le « prisme élitiste et tunisois » (Camau et Geisser, 2003) des milieux oppositionnels mis en évidence dans de nombreux travaux et analyses12, attestant de l’inexistence d’une véritable opposition en Tunisie, comparable au rôle joué, par exemple, par les partis dans les champs politiques marocain, égyptien ou même jordanien :
11 Comme le parti écologiste fantoche créé de toute pièce par le régime, le Parti vert pour le progrè (...) 12 Voir Larbi Chouikha et Éric Gobe (2009, p. 163-182) ; Mohamed Abdelhaq et Jean-Bernard Heumann (20 (...) 13 Ammar Amroussia, « Le soulèvement des habitants du bassin minier : un premier bilan », op. cit. (...) « L’un des premiers facteurs de faiblesse de l’opposition politique réside dans les séquelles qu’elle traîne encore des “années de plomb”. Mais au lieu de profiter de ce soulèvement pour élargir sa base sociale, en faisant siennes les revendications des masses populaires, la majorité de cette opposition n’a pas manifesté l’intérêt qu’il faut pour un mouvement aussi important. Plus le mouvement progresse, plus se creuse l’écart la séparant des masses populaires.13 »
Et si le changement venait du « bas » : la sociologie des émeutiers (troisième leçon) 13Sans verser nécessairement dans le mythe romantique du « petite peuple » à l’assaut du régime tyrannique, force est de constater, d’après les rares documents disponibles14, que la sociologie des émeutiers révèle le caractère extrêmement populaire des manifestants et même des « encadreurs politiques » du mouvement. On relève ainsi une prédominance des travailleurs journaliers, des précaires en tout genre, des étudiants chômeurs, des ouvriers, des petits employés, des épouses et des veuves de mineurs. Les seuls cadres du mouvement appartiennent généralement à la petite fonction publique tunisienne : ils sont instituteurs, professeurs de l’enseignement secondaire ou encore secrétaires dans une administration d’État mais jamais cadres supérieurs ou professions libérales. Ce n’est donc pas seulement la « Tunisie de l’intérieur » – Gafsa est à environ 350 km de Tunis – qui s’est mobilisée dans le bassin minier mais aussi « la Tunisie d’en bas », comme le confirme le tableau quasi ethnographique dressé par Ammar Amroussia :
14 Pour se faire une idée de la sociologie des émeutiers, on peut se référer aux profils socioprofess (...) 15 Ammar Amroussia, op. cit. « Ce mouvement a eu, dès son début, un caractère populaire large, ce qui l’a transformé en un soulèvement populaire proprement dit et ce malgré son aspect régional plus ou moins circonscrit. Toutes les catégories populaires ont adhéré à ce mouvement : ouvriers, chômeurs, fonctionnaires, commerçants, artisans, élèves, etc. Ceux qui y participent appartiennent à différentes générations, il y a des enfants, des jeunes, des adultes, des personnes âgées. Les femmes, même celles au foyer, ont pris part à la protestation et ont souvent joué un rôle d’avant-garde. Les divisions tribales, restées présentes dans la région et continuellement instrumentalisées par le pouvoir, ont disparu dans ce mouvement pour céder la place à l’appartenance sociale, de classe. Les habitants ont compris qu’ils vivent dans la même situation de misère, qu’ils partagent le même sort : le chômage, la marginalisation, la pauvreté, la dégradation du pouvoir d’achat et, en général, la détérioration de leurs conditions de vie.15 »
14Toujours selon le même auteur, les élites intellectuelles seraient très largement restées en retrait du mouvement, quand elles ne l’ont pas purement et simplement méprisé :
16 Ibid. « On ne peut aussi que remarquer, écrit-il, la passivité de l’ensemble des intellectuels. Exception faite de quelques-uns qui ont été touchés par l’événement et qui l’ont abordé dans des articles, la majorité n’a pas été “ébranlée” ni inspirée par l’ampleur de l’événement. Ce qui prouve la profondeur de la crise que traversent les intellectuels et les créateurs en Tunisie. Ils ont été habités par un sentiment de désespoir et d’impuissance perdant confiance dans le peuple au point de ne plus hésiter à lui tourner le dos le taxant de “lâcheté” et “ingratitude” et à se jeter dans les bras du pouvoir ou se consacrer pleinement à leurs affaires personnelles. Quand le peuple a bougé et qu’il s’est révélé vivace, dynamique et entreprenant, ces intellectuels ne se sont pas remis de leur léthargie et quatre mois de résistance et d’affrontements sanglants n’ont pas pu agir sur leurs pensées et leurs esprits.16 »
15Les conclusions d’Ammar Amroussia sont particulièrement sévères pour les élites tunisiennes, et notamment celles du champ académique et artistique, et doivent probablement pour beaucoup à sa déception militante (l’auteur est proche des milieux d’extrême gauche). Toutefois, au-delà du propos engagé et désillusionné, c’est aussi une piste de réflexion pour les sociologues et les politologues qui se dessine : à trop nous focaliser sur les révolutions de Palais, les intrigues au sein de la famille (Ben Ali, Trablesi, Chiboub…), les querelles incessantes entre les leaders de l’opposition, l’attitude des soutiens occidentaux de la Tunisie officielle (USA, France, Italie, etc.), n’a-t-on pas trop rapidement écarté l’hypothèse d’un changement politique « par le bas » dans les prochaines années en Tunisie ?
Le rôle inattendu et renouvelé de l’opposition diasporique (quatrième leçon) 16Dès les premiers temps du mouvement de libération, l’Europe, en général, et la France, en particulier, ont constitué une base arrière pour les organisations politiques et syndicales tunisiennes. À certains égards, l’on peut dire que l’Hexagone apparaît comme le prolongement naturel de l’espace politique tunisien, se structurant autour d’un axe Tunis-Paris, souvent bien plus influent que les relations tissées entre la capitale et la « Tunisie de l’intérieur ». Dans son travail de doctorat, Michaël Béchir Ayari, a mis en évidence sur le temps long les effets politiques de cette dialogique tuniso-française qui a, tantôt contribué à amplifier les mouvements protestataires, en leur donnant un écho inespéré, tantôt aboutit à les freiner, en créant une sorte de dichotomie entre les « opposants de l’intérieur » et les « opposants de l’extérieur », les intérêts entre ces deux entités militantes ne coïncidant pas systématiquement (Ayari, 2009). Si la France a longtemps représenté la « Mecque de l’extrême gauche tunisienne » (Perspectivistes, trotskystes, communistes orthodoxes, gauchistes, tiers-mondistes, etc.), son influence avait pourtant tendance à décliner ces vingt dernières années, en raison de facteurs sociologiques « lourds », qui ne revêtent pas forcément une dimension politique immédiate : la distanciation existentielle avec la mère patrie s’est souvent traduite par une francisation objective de nombreux anciens « exilés politiques » tunisiens qui se sont progressivement éloignés des enjeux militants et politiques du pays d’origine : le mariage avec une Française, l’éducation des enfants au « pays de Voltaire », l’insertion progressive dans les enjeux professionnels politiques et syndicaux de la société française, ont constitué autant de facteurs qui ont produit un phénomène de distanciation avec les scènes politiques tunisiennes. L’arrivée massive des réfugiés politiques islamistes à l’horizon des années 1990 n’a pas fondamentalement changé les données du problème : si ces derniers, jusqu’à une période récente, sont restés attachés au mythe du retour et au culte d’une tunisianité islamique, nombre d’entre eux ont fini par se faire à l’idée que l’action oppositionnelle à l’étranger était vaine. Du coup, depuis quelques années, on assiste dans les milieux islamistes exilés en France et en Grande-Bretagne à une série de retours qui ne se font pas sur une base collective (accord politique entre Ennahda et le régime) mais sur des bases purement individuelles, avec la promesse de ne plus s’engager dans des actions contre le régime (repentance). Le phénomène des repentis n’est désormais plus négligeable au sein de la mouvance islamiste et les cas des « militants retournés » – aux deux sens du terme – de plus en plus fréquents.
17Or, les derniers événements du bassin minier de Gafsa ont, en partie, démenti cette hypothèse « pessimiste » de la distanciation des Tunisiens de l’étranger à l’égard des enjeux internes à l’espace national. Contre toute attente, une partie de l’opposition tunisienne en exil a retrouvé dans le mouvement social de Gafsa l’occasion de jouer un rôle politique de premier plan et ceci à deux niveaux.
17 Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives. Cf. présentation de la FTCR par elle (...) 18 Plusieurs appels ont d’ailleurs été lancés pour soutenir le président de la FTCR, Mouhieddine Cher (...) 18À l’échelon international d’abord, où une organisation comme la FTCR17, issue des mouvements de gauche et d’extrême gauche, et représentant aujourd’hui le courant tunisien « démocratique » et « laïque », a contribué à médiatiser l’événement, à jeter des ponts avec les organisations politiques et syndicales européennes, et à envoyer une aide logistique aux émeutiers. L’implication de la FTCR dans le mouvement social n’a d’ailleurs pas échappé aux tenants de l’appareil sécuritaire du régime qui ont fait condamner par contumace son président, Mouhieddine Cherbib, à deux ans de prison ferme (procès du 11 décembre 2008 et du 3 février 2009)18. Il est fort probable que, sans l’action d’une organisation comme la FTCR, la révolte du bassin minier n’aurait pas eu l’écho international qu’elle a connu, le ministère de l’Intérieur ayant « cadenassé » tous les moyens d’information et de communication, à tel point que les Tunisiens de France étant souvent davantage au courant de ce qui se passait réellement à Redeyef (épicentre du mouvement social) que les Tunisiens de l’intérieur eux-mêmes.
19 Le 9 décembre 2008, le Collectif a organisé une réunion d’information et de sensibilisation sur le (...) 19À l’échelon local, ensuite, où les réseaux migratoires originaires de la région du bassin minier se sont également fortement mobilisés pour venir en aide aux familles et aux victimes de la répression policière. Alors que la communauté tunisienne de France fait l’objet d’une étroite surveillance, via les consulats, l’Amicale des Tunisiens et les indicateurs dépêchés dans l’Hexagone par le ministère de l’Intérieur, les immigrés tunisiens et les Français d’origine tunisienne ont parfois bravé la peur pour se lancer dans des actions de protestation et d’information à destination de l’opinion publique européenne. C’est ainsi qu’à Nantes (Ouest de la France), ville qui compte une assez forte communauté immigrée originaire du bassin minier de Gafsa (2 000 à 3 000 personnes), des habitants ont créé un Collectif nantais de soutien aux Tunisiens de Redeyef qui a réuni plusieurs centaines de personnes19. Le fait est assez rare pour être signalé, car depuis de très nombreuses années, l’immigration tunisienne populaire (ouvriers et leurs familles) ne s’était plus mobilisée sur les enjeux politiques liés au pays d’origine par crainte de représailles.
20Bien sûr, ce sursaut politique de l’immigration tunisienne doit être largement relativisé. Il ne concerne au mieux que quelques milliers d’individus et quelques dizaines d’associations, dotés de moyens humains et financiers relativement modestes. Néanmoins, il est révélateur d’une tendance qui pourrait s’amplifier dans les prochaines années et signer le retour d’une opposition diasporique sur l’échiquier politique tunisien, susceptible d’apporter un appui logistique décisif aux « opposants de l’intérieur ».
La fuite en avant sécuritaire du régime : signe de force ou de faiblesse ? (cinquième leçon) 21Si la gestion des conflits sociaux en Tunisie, sous Bourguiba comme sous Ben Ali, a rarement été marquée par son caractère pacifique – l’État étant toujours tenté de recourir à la force –, celle du mouvement du bassin minier se distingue par son extrême brutalité et par une certaine incohérence répressive. En effet, dans le conflit du bassin minier, le régime a donné plusieurs fois l’impression de perdre pied et les violences systématiques pratiquées sur les émeutiers font figure davantage d’aveu de faiblesse que de puissance. Le récit d’Ammar Amroussia souligne bien ces atermoiements du pouvoir dans sa riposte policière qui, en creux, a mis en évidence la désorganisation de l’appareil sécuritaire :
20 Ammar Amroussia, « Le soulèvement des habitants du bassin minier : un premier bilan », op.cit. (...) « Les forces de l’ordre ont été incapables de réaliser ce qu’elles accomplissaient aisément par le passé, en réprimant une contestation isolée et réduite à des minorités, ne serait-ce que parce que le mouvement est réellement populaire et que tous ceux et celles qui y ont participé sont déterminés à résister et à continuer leur lutte jusqu’au bout car ils n’ont plus rien à perdre, à part leurs chaînes. C’est pourquoi les forces de l’ordre qui sont intervenues violemment au début du mois d’avril 2008 puis au début du mois de mai ont vite perdu du terrain face à la détermination des habitants. Ce que les autorités pouvaient interdire habituellement aux partis et associations même légaux, aussi bien dans leurs sièges que dans les espaces publics, les contestataires l’ont fait au bassin minier à leur guise et sans aucune autorisation de la police. Ainsi, les marches traversaient les rues jour et nuit, les réunions ont lieu dans les espaces publics et les tracts et les bulletins politiques sont distribués en plein jour sous les regards de la police qui se contente de surveiller sans intervenir. Les habitants ont créé un rapport de force, sur le terrain, en leur faveur qui leur a permis de jouir de leurs droits de réunion, de manifestation, d’expression, etc. Les forces de l’ordre n’ont qu’une seule solution pour arrêter le mouvement, c’est la prise pure et simple des villes du bassin minier et le décret de l’état de siège et du couvre-feu pour empêcher toute activité.20 »
21 Il s’agit de Hichem Ben Jeddou El Aleimi, chômeur de 24 ans, décédé par électrocution, de Nabil Ch (...) 22Le bilan humain des émeutes du bassin minier est particulièrement lourd : trois morts21, des dizaines de blessés, une centaine d’interpellations et d’arrestations, une trentaine d’inculpés et un retour en force de la torture pratiquée non seulement dans les commissariats de quartiers mais aussi dans les centres pénitentiaires où ont été déférés les leaders du mouvement social :
22 Houcine Bardi, « Procès du 11 décembre 2008 devant le tribunal de Gafsa. Rapport d’observations ju (...) « Les avocats soutiennent que la plupart de leurs clients ont été victimes de torture et ont subi des traitements inhumains et dégradants tout au long de leur détention et notamment lors de la phase d’enquête ; qu’ils ont systématiquement fait état de cette atteinte gravissime à l’intégrité physique des “accusés” en particulier devant le juge d’instruction qui en a constaté la véracité. Ils présentent un tableau des principaux cas de torture allégués et constatés (dont on a pu vérifier la transcription dans l’ordonnance de clôture de l’instruction).22 »
23 Béatrice Hibou (2006). Voir aussi la critique de la thèse du « Pacte de sécurité » par Vincent Gei (...) 23In fine, ce que révèle la révolte du bassin minier, c’est l’emballement de la machine sécuritaire du régime et son incapacité à faire face à un mouvement social d’extraction populaire. En effet, depuis un certain nombre d’années, s’était installée en Tunisie une sorte de « routine sécuritaire » qui consistait à réprimer les oppositions « classiques », les défenseurs des droits de l’Homme et, ponctuellement, les manifestations de rues organisées par les syndicats étudiants et salariés. De ce point de vue, les rapports des ONG et les communiqués publiés par les associations indépendantes tendaient à refléter une certaine accoutumance à la répression, non que celle-ci soit considérée comme légitime ou normale, mais parce qu’elle devenait banale dans ses formes et ses méthodes. Or, confronté à une « révolte par le bas », animée non par des « professionnels de la contestation » mais par des citoyens ordinaires, les réflexes sécuritaires du régime ont été mis à l’épreuve, contribuant à se dévoiler au grand jour et, par effet de feed back, à accorder au mouvement social une victoire symbolique. N’est-ce pas là le signe d’un ébranlement du Pacte de sécurité23, ce contrat social implicite entre l’État et le peuple, que certains auteurs ont longtemps considéré comme le principal moteur du régime de Ben Ali ?
asdrubaal Homo Habilis
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