Violences en Tunisie après le meurtre d'un opposant
La dépouille de Chokri Belaïd, le 6 février à Tunis. (Photo Zoubeir Souissi. Reuters)
actualisé
Chokri Belaïd, chef du parti des Patriotes démocrates, a été abattu
devant chez lui. De vives manifestations ont éclaté contre le parti
islamiste Ennahda. A Sidi Bouzid, la police a tiré des gaz lacrymogènes
contre des manifestants. Le meurtre d’un opposant tunisien a déclenché
une série de violences et de protestations dans le pays, ce mercredi.
La police tunisienne a tiré des gaz lacrymogènes sur des manifestants
qui tentaient de prendre d’assaut le siège de la police à Sidi Bouzid,
berceau de la révolte de 2011 dans le centre-ouest. Quelque 200
manifestants ont attaqué ce commissariat et les policiers ont répliqué
immédiatement avec les gaz avant de prendre la fuite. L’armée est
intervenue pour tenter de calmer la foule dans cette ville déshéritée du
centre tunisien.
Dans le même temps, des manifestants ont saccagé les locaux du parti
islamiste tunisien au pouvoir Ennahda à Mezzouna, près de Sidi Bouzid,
et à Gafsa (centre) pour dénoncer le meurtre mercredi d’un opposant et
des manifestations se déroulaient dans plusieurs villes dont Tunis.
Plusieurs dizaines de manifestants ont pris d’assaut les locaux
d’Ennahda à Mezzouna, à 75 km au sud-est de Sidi-Bouzid, avant de
l’incendier.
Chokri Belaïd, le 29 décembre 2010 à Tunis. (Photo Fethi Belaid. AFP)
Le chef du parti des Patriotes démocrates, mouvement d’opposition
tunisien, Chokri Belaïd, a été assassiné par balles mercredi matin, a
indiqué son frère, alors que les violences politiques s’aggravent deux
ans après la révolution.
«Mon frère a été assassiné, je suis plus que désespéré et déprimé»,
a indiqué à l’AFP Abdelmajid Belaïd. Selon l'épouse de l’opposant,
s’exprimant sur la radio Mosaïque, il a été touché par deux balles alors
qu’il sortait de chez lui. Son frère a immédiatement accusé le parti
islamiste Ennahda, qui dirige le gouvernement tunisien, d'être
responsable du meurtre.
«J’emmerde tout le mouvement Ennahda et j’accuse (son chef) Rached Ghannouchi d’avoir fait assassiner mon frère», a-t-il déclaré, sans plus d’explication.
A Gafsa, dans le bassin minier tunisien, des dizaines de personnes
ont pénétré dans les locaux d’Ennahda, y brisant les meubles et
arrachant les banderoles du mouvement. Quelque 700 personnes
manifestaient pacifiquement dans cette même ville. Des centaines de
personnes ont aussi manifesté Kasserine et Béja (nord-ouest) et Bizerte
(nord).
A Tunis, une foule sans cesse grandissante se réunissait devant le
ministère de l’Intérieur sur l’avenue Habib Bourguiba, haut lieu de la
révolte de 2011. Vers midi (même heure en France) ils étaient quelque
2 000 manifestants.
Ennahda dénonce le meurtreLe chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi, a dénoncé mercredi le meurtre, estimant que les tueurs voulaient
«un bain de sang» en Tunisie.
«Ils veulent un bain de sang mais ils ne vont pas réussir», a déclaré Ghannouchi à l’AFP, rejetant par ailleurs les accusations contre sa formation les qualifiant
«de règlement de compte politique».
Le Premier ministre tunisien Hamadi Jebali, d'Ennahda, a pour sa part dénoncé un
«acte de terrorisme» contre toute la Tunisie.
«C’est un acte criminel, un acte de terrorisme pas seulement contre Belaïd mais contre toute la Tunisie», a-t-il dit à la radio Mosaïque FM, promettant de tout faire pour que le tueur soit arrêté rapidement.
«Le peuple tunisien n’est pas habitué à ce genre de choses, c’est
un tournant grave (...) notre devoir à tous, en tant que gouvernement,
en tant que peuple c’est de faire preuve de sagesse et de ne pas tomber
dans le piège du criminel qui vise à plonger le pays dans le désordre», a-t-il déclaré.
Selon Hamadi Jebali, Belaïd, figure de l’opposition de gauche et
critique acerbe du gouvernement actuel, a été tué de trois balles tirées
à bout portant par un homme portant un vêtement de type burnous, sorte
de long manteau traditionnel en laine avec une capuche pointue. Chokri
Belaïd, figure de l’opposition de gauche et critique acerbe du
gouvernement actuel, avait rejoint une coalition de partis, le Front
populaire, qui se pose en alternative au pouvoir en place. La Tunisie a
vu se multiplier les violences sociales et politiques ces derniers mois.
Plusieurs partis d’opposition et des syndicalistes ont accusé des
milices pro-islamistes d’orchester des heurts ou des attaques contre les
opposants ou leurs bureaux.
source (AFP)