Les manifs servent à faire des ralliements. Les gens qui rencontrent le même problème rejoignent la manif pour exprimer le fait qu'ils vivent la même situation ou qu'ils sont solidaires avec la cause. La manif est une forme de rituel social, une fête populaire en quelque sorte où par le nombre, par les slogans on donne de la voix pour se donner du courage, croire et donner une légitimité à nos revendications.
Si un seul employé se plaint du salaire ou des conditions de travail on peut dire qu'il fait la fine bouche, qu'il veut faire son intéressant ou qu'il est avide. Le sentiment d'un individu pris à part n'a pas toujours de poids. En plus, on peut lui dire simplement "d'aller voir ailleurs", on peut le sanctionner d'avoir osé demander et le traiter d'ingrat. Un seul employé ne peut pas chambouler la routine. On peut le mettre à l'écart, hors circuit, le convaincre qu'il est inutile, nuisible, ingrat et tout.
Une manif montre déjà que le ressenti n'est pas d'un seul individu et quand une tranche de la population fait le même constat, le nombre et la qualité de ceux qui sont mécontents donne à réfléchir. On ne peut pas ignorer, rire au nez, culpabiliser, détruire symboliquement toute cette masse. On est obligé de considérer ces revendications. On ne peut plus tout à fait les cacher.
Les manifs servent à ce que les gens prennent conscience de leur pouvoir sur leur vie, un pouvoir limité, un pouvoir difficile à mettre en oeuvre mais un pouvoir quand même.
Le mur des fatalités se fissure. La logique tourne autrement.
Les manifestations peuvent être aussi une parenthèse qui se referme, une fête qui fini s'il ne y'a pas d'organisation derrière ou une culture du dialogue. On ne sait pas toujours ce qu'on veut dans les manifestations mais on est emporté par le tumulte. C'est souvent que du vent mais pas toujours.