Tous ont salué le talent, l'indépendance et l'art de sublimer les femmes de ce petit homme discret, invariablement vêtu d'un costume chinois passe-partout.
Azzedine Alaïa Allergique à la promotion, Azzedine Alaïa se permettait le luxe de se passer de la publicité. Ses rares défilés se déroulaient en petit comité dans son atelier-boutique du Marais.
"J'aime les femmes. (...) Je ne pense pas toujours à faire des nouveautés, à être créatif, mais à faire un vêtement pour que les femmes soient belles", avait expliqué le couturier aux yeux noirs pétillants, dans un entretien accordé à l'AFP en 2013, à l'occasion d'une rétrospective de son oeuvre au musée Galliera, à Paris.
"C'est mieux qu'on m'expose de mon vivant, je m'en balancerai quand je serai mort. Et là, au moins, je vais pouvoir lire ce qu'écrivent les journalistes sur moi !", avait plaisanté à l'époque celui qui est cité en référence par de nombreux créateurs.
Contre les diktats
Le couturier franco-tunisien Azzedine Alaïa pose à côté d'une de ses créations à Rome, le 10 juillet 2015 © Gabriel BOUYS AFP/Archives
Alaïa concevait ses vêtements en trois dimensions, se servant peu du dessin, préférant créer les robes à même le corps des femmes, ce qui lui valut d'être souvent comparé à un sculpteur. Une exposition à la Villa Borghese de Rome ("Couture/sculpture") en 2015 avait d'ailleurs présenté ses robes au milieu de statues antiques.
Il faisait beaucoup de sur-mesure, en haute couture, mais aussi du prêt-à-porter, contournant le diktat du renouvellement systématique à chaque saison: il lui arrivait de proposer la même robe "indémodable" deux ans d'affilée.
Le créateur était né en Tunisie en 1940 mais cultivait la coquetterie quant à sa date de naissance. "J'ai l'âge des pharaons. Les dates, je les ai effacées", disait-il.
Étudiant la sculpture aux Beaux-Arts de Tunis, ce fils d'agriculteurs commence à travailler pour une couturière de quartier. Débarquant à Paris à la fin des années 1950, il travaille brièvement chez Dior et chez Guy Laroche.
Jeune homme au pair, il commence à habiller des femmes du monde dont il devient souvent le confident. Elles lui présentent Arletty, l'une de ses muses, et même "la" Garbo.
Profondément indépendant, le couturier crée sa marque en 1980 et contribue largement à définir la silhouette féminine de la décennie, à l'assurance sexy, en inventant le body, le caleçon noir moulant, la jupe zippée dans le dos, des modèles copiés à l'infini. Ses robes seconde peau sont à la fois provocantes et distinguées.
Garbo et Goude
Les célébrités se l'arrachent, notamment la sculpturale Grace Jones qui pose dans ses vêtements sous l'objectif de Jean-Paul Goude.
En 1989, c'est lui qui commande à Alaïa la toge-drapeau portée par la cantatrice Jessye Norman pour le défilé du Bicentenaire de la Révolution française.
Aux débuts des années 90, il marque les esprits en signant une collaboration avec Tati, jouant sur le motif vichy rose de l'enseigne à bas prix.
"La mode s'ouvrait, la débrouille et la récup devenaient chic et branchées", expliquera le créateur des années plus tard au quotidien Libération.
En 2000, il signe un accord avec Prada, qui lui permet de se développer, mais dont il se dégage sept ans plus tard, préférant s'adosser au géant suisse du luxe Richemont.
Malgré ce changement d'affiliation, Alaïa n'avait rien modifié à son fonctionnement, travaillant inlassablement de nuit, au son de vieux films et continuant de créer pour les femmes, comme pour la pop star Lady Gaga, une de ses ferventes admiratrices.
Son ultime défilé avait été présenté en juillet et ouvert par Naomi Campbell, protégée du couturier, qui l'appelait affectueusement "papa".
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18/11/2017 22:44:02 - Paris (AFP) - © 2017 AFP
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