La Femen tunisienne vit, retenue par sa famille, dans la crainte des islamistes PARIS (AFP) - 06.04.2013 15:03 - Par Karim TALBI La jeune tunisienne cachée depuis la diffusion de
photos d'elle seins nus est apparue samedi dans un reportage de Canal
Plus où elle dit craindre les représailles en Tunisie de groupes
islamistes après avoir reçu des menaces de mort et être retenue contre
son gré par sa famille.
Manifestation devant l'ambassade de Tunisie à Stockholm, en soutien à la "Femen" Amina, le 4 avril 2013
AFP - Jonathan Nackstrand Une militante du mouvement Femen brûle un drapeau salafiste devant la Grande mosquée de Paris le 3 avril 2013
AFP - Fred Dufour La jeune tunisienne cachée depuis la diffusion de photos d'elle
seins nus est apparue samedi dans un reportage de Canal Plus où elle
dit craindre les représailles en Tunisie de groupes islamistes après
avoir reçu des menaces de mort et être retenue contre son gré par sa
famille.
Identifiée sous le nom d'Amina Tyler, la jeune fille
avait fait scandale en publiant mi-mars des clichés d'elle la poitrine
nue barrée des mots "mon corps m'appartient, il ne représente l'honneur
de personne" ou encore "Fuck your morals", reprenant le mode d'action du
groupe féministe Femen.
Les rumeurs sur sa disparition et sur les
éventuels représailles de groupes salafistes en Tunisie avaient
déclenché un mouvement de solidarité dans le monde entier.
Une
équipe de l'agence CAPA TV travaillant pour l'Effet Papillon, l'émission
de reportages diffusée samedi par Canal Plus, a pu rencontrer la jeune
fille jeudi soir dans une maison située "à 3 h de Tunis" où elle vit
avec sa famille.
Elle y apparaît fatiguée, apathique, sous le
contrôle étroit de sa famille qui la retient contre son gré mais pour sa
protection.
Après la publication des photos, "ma famille m'a
trouvé dans un café", déclare-t-elle. "Ils m'ont conduit à la maison.
Mon cousin a cassé la puce de mon téléphone. Il m'a frappé. Et après, je
suis resté dans ma famille puis on a déménagé dans cette ville",
témoigne-t-elle.
Avez-vous été obligée de rester dans votre famille ? "Oui, bien sûr". Le vouliez vous ? "Non".
Amina
affirme avoir reçu des menaces par téléphone et sur son compte
Facebook. "+Tu vas mourir+, +On va jeter de l'acide sur ton visage+, des
choses comme ça".
"Je dois quitter la Tunisie, j'ai peur pour ma
vie et la vie de ma famille. Il y a beaucoup de rumeurs sur ce que les
islamistes et les salafistes veulent faire contre moi", souligne-t-elle,
expliquant vouloir "quitter la Tunisie, (sa) famille, les menaces".
"J'espère
continuer mes études à l'étranger", ajoute la jeune fille aux cheveux
courts, évoquant l'impossibilité de poursuivre ses études en Tunisie et
son rêve de devenir "journaliste et aider les Femen d'une façon ou d'une
autre".
"Femen jusqu'à 80 ans"
La Tunisienne continue à
soutenir les Femen mais critique l'action menée mercredi à Paris par
trois Femen qui ont brûlé un drapeau frappé de la profession de foi
musulmane (chahada) devant la Grande mosquée de Paris.
"Je suis
contre", dénonce-t-elle, soulignant que les Femen ayant écrit son nom
sur leur corps, cela peut lui "faire du mal en retour".
"Elles n'ont pas insulté un certain type de musulmans, les extrémistes, mais tous les musulmans", déplore Amina.
"Tout le monde va penser que j'ai encouragé ce genre de choses. C'est inacceptable", dit-elle.
Amina
dit ne pas regretter son engagement et prévient qu'elle reste et
demeure une Femen. "Je le serai jusqu'à 80 ans", dit-elle, affichant son
soutien à ces "vraies féministes".
En théorie, elle s'expose par
son geste à des poursuites pour "atteinte aux bonnes moeurs", un délit
passible de six mois de prison.
Femen, un groupe de féministes
ukrainiennes désormais installé à Paris et qui a fait des émules dans
plusieurs pays du monde, est connu depuis 2010 pour ses actions
"topless" pour dénoncer le sexisme, l'homophobie, la prostitution et la
religion.
Les Tunisiennes disposent depuis les années 1950 des
droits les plus avancés dans le monde arabe, mais de nombreuses
inégalités demeurent surtout en matière d'héritage. Les associations
féministes accusent régulièrement les islamistes d'Ennahda au pouvoir de
chercher à s'attaquer aux acquis des Tunisiennes.
© 2013 AFP