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Au départ, c’est une simple envie de voyage. A l’arrivée, c’est une plainte pour discrimination déposée hier par l’association SOS Racisme auprès du procureur de la République d’Evry. Et entre les deux, c’est l’histoire d’une étrange consigne dont la trace de l’auteur se perd dans les méandres des justifications des différents acteurs.
Le 12 mai, quelque part en Essonne, un couple se rend dans une agence Thomas Cook pour y verser le premier acompte d’un voyage sur l’île tunisienne de Djerba. Lui, justement, est de nationalité tunisienne, elle est française. Les deux s’apprêtent à payer pour ce produit proposé par le tour-opérateur Fram, quand la responsable de l’agence croit bon de les mettre en garde. Selon elle, l’hôtel thalasso compris dans leur prestation, le Quatre Saisons, refuserait d’accueillir les ressortissants locaux, autrement dit les Tunisiens. Leur interlocutrice consent ensuite à prendre leur réservation, tout en préférant les avertir de la possibilité d’un éventuel rejet. Auquel cas, dit-elle, ils ne seraient pas remboursés.
Hiérarchie. A cette mise en garde orale succède une version écrite. L’huissier mandaté le 16 août par l’association SOS Racisme, entre-temps saisie par le couple, «constate parmi les documents la présence de la mention cliente adv personne tunisienne interdite à l’hôtel au paragraphe prestations, conditions particulières du bulletin d’inscription» du 12 mai. «Adv» signifiant ici «avertie» comme l’a expliqué à Libération l’auteure de la mention, refusant par ailleurs de parler davantage sans l’aval de sa hiérarchie.
En revanche ses déclarations à l’huissier mandaté par SOS Racisme livren une première explication de son attitude. «J’ai pris l’initiative de faire porter cette mention sur le bulletin d’inscription dans un seul but d’information, puisque les hôteliers tunisiens refusent d’héberger des ressortissants locaux avec des touristes. Ces ressortissants doivent s’inscrire directement auprès de l’hôtelier et non par l’intermédiaire d’un voyagiste français», répond-t-elle le 16 août. Avant de mettre en cause plus directement le voyagiste Fram, prestataire de la formule choisie par le couple : «Nous travaillons avec les brochures de Fram destinées au public. Il n’y a aucune directive écrite. Ces informations nous sont données oralement par téléphone par leur service réservations.» Cette dernière déclaration s’avérait hier impossible à vérifier, le service en question étant injoignable. Pour le reste, Adeline Cannère, en charge de la communication de Fram assurait hier : «C’est la première fois que nous sommes confrontés à ce genre de situation. Pour ma part, je n’ai jamais entendu aucune consigne à caractère discriminatoire qui émanerait de nos services. Ni à l’oral, ni à l’écrit.»
«Maladresse». Même défense du côté de l’agence Thomas Cook, à ceci près que Jean-François Richard, son directeur marketing, insiste davantage sur la thèse de l’erreur personnelle : «Il s’agit sans doute d’une maladresse malheureuse de la part de cette collègue qui a agi sur la base d’un on-dit . A ma connaissance, il n’existe pas de loi locale tunisienne mettant en avant le tourisme étranger, mais peut-être cette collègue était-elle mieux informée. En tout état de cause, quand bien même une telle loi existerait, nous n’avons évidemment pas à la relayer.»
Pour Samuel Thomas, vice-président de SOS Racisme, cette ligne de défense est tout bonnement intenable : «L’initiative personnelle est à exclure d’emblée. Car pour que cette personne ait connaissance d’une telle pratique collective des hôtels et qu’elle l’écrive noir sur blanc, il faut forcément une directive globale derrière tout cela.» Un membre du personnel de l’hôtel incriminé, où le couple a été accueilli en août, dit lui aussi «tomber des nues» devant la déclaration d’une dame «qui a eu une très mauvaise info». Mais Samuel Thomas n’en démord pas. Pour SOS Racisme, il s’agit d’amener la justice à se saisir de l’affaire pour «identifier tous les intermédiaires ayant participé à cette discrimination».