Phidias Homo Pacificus
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| Sujet: Décès du poète liégeois Jacques Izoard 25/7/2008, 22:22 | |
| Le poète Jacques Izoard, né Jacques Delmotte à Liège le 29 mai 1936, est décédé d'une crise cardiaque, à l'âge de 72 ans. Jacques Izoard a enseigné le français dans l'enseignement secondaire technique et professionnel durant de longues années, faisant découvrir la littérature à ses élèves. En parallèle, il se lance dans la poésie, sa première publication "Ce manteau de la pauvreté", datant de 1962.
Considéré aujourd'hui comme l'un des grands poètes de langue française, ce fervent amateur de Liège, sa ville natale où il a toujours résidé, privilégiait les thèmes de la nature, du corps et du langage au sein de ses textes. Ses poèmes, de structure simple et épurée, portent une grande attention à la sonorité des mots.
Ses Dates clés 29 mai 1936 Naissance à Liège (Belgique). 1962 Publication de son premier recueil. 2006 "Œuvres complètes". 19 juillet 2008 Mort à Liège. - Spoiler:
Nécrologie Jacques Izoard, poète LE MONDE | 23.07.08 | 15h36 • Mis à jour le 23.07.08 | 15h36
Le poète Jacques Izoard est mort le 19 juillet à Liège (Belgique). C'est sous le nom de Jacques Delmotte qu'est né le 29 mai 1936 à Liège, ville qu'il ne quittera pas, le futur Jacques Izoard. Professeur de lettres, il publie à 26 ans son premier recueil, Ce manteau de pauvreté, sous le pseudonyme auquel il restera fidèle. Dès lors, il écrit régulièrement d'étranges poèmes, qui allient la description minutieuse d'une réalité quotidienne et familière et les tourments d'un esprit et d'un corps passionnés, parfois même violents, mais aussi doucement blasés. "La folie t'aime à la folie", se disait-il à lui-même. Ses fantaisies stylistiques paraissent dans les titres de ses livres : Voix, vêtements, saccages (1971) La Patrie empaillée (1973), Bègue, bogue, borgne (1974), Vêtu, dévêtu, libre (1978), Frappé de cécité dans sa cité ardente (1980), Le Bleu et la Poussière (1998), Dormir sept ans (2001).
Pour ses 70 ans, les éditions de la Différence publiaient dans deux épais volumes ses Œuvres complètes. Mais cette magnifique reconnaissance ne détermina pas un arrêt de sa production. Il eut ainsi le temps de compléter plusieurs autres ouvrages, souvent sous forme de plaquettes éditées de manière originale en Belgique (notamment avec le peintre turc Selçuk Mutlu, qui cosigna également avec lui un recueil, Les Girafes du Sud,Différence, 2003). Admiré par plusieurs générations, il fut imité, car il avait imposé son ton, où se mêlaient l'esprit des comptines à la Max Jacob et une délicieuse mélancolie à la façon d'Apollinaire ou de Supervielle, provocante, douce, érotique, sentimentale, selon l'humeur. Il avait constitué, malgré lui, car il n'avait ni l'esprit de chapelle ni la volonté de diriger quoi que ce soit, une sorte d'école de Liège, où de nombreux poètes, d'Eugène Savitzkaya, avec qui il vécut, à Joseph Orban, en passant par William Cliff, Ben Arès, Serge Delaive, Karel Logist, Philippe Leuckx et tant d'autres, créaient librement à sa suite.
Il était surtout un exemple de liberté et de bienveillance. Peu à peu, l'Université s'intéressa à lui, notamment à travers Gérard Purnelle, qui organisa un colloque et s'occupa des Œuvres complètes. Ce passionné des mots, qui aimait jouer avec les sonorités et proposer des rencontres à la fois saugrenues et évidentes entre des vocables de registres divers, avait plus de profondeur et parfois de douleur qu'il ne semblait. Sa détestation de la pose poétique lui faisait choisir la forme courte, qui partait d'images souvent concrètes et de scènes autobiographiques voilées. Analysant son système poétique, Lionel Ray le résume à un "secret et tendre attachement à ce qui est à la limite du perceptible, mais qui peut avoir du corps".
Dans Lieux épars, son dernier recueil paru (La Différence, 2008), Izoard montrait ce qu'il devait à une sorte de surréalisme naturel, sexuel et visionnaire, agrémenté d'une faculté d'introspection ironique et discrète. "Grappes de mots ou de lilas,/je vous ensevelirai/dans la lumière du jour/et l'on ne pourra que cesser d'exister." René de Ceccatty
Article paru dans l'édition du 24.07.08.
POÈMES THORACIQUES
Comment dénigrer le sens? Comment exaspérer les mots? Comment fuir toute image? Comment plonger au cœur du néant vif, et du bonheur? Pulvérisons ensemble raisons et déraisons. * On n'a plus le temps de siffler ni d'avaler la langue ni de creuser le puits d'où sort la vérité. Mais on peut toujours toucher sexe de l'un, sexe de l'autre.
Tu t'enfonces à présent dans d'inintelligibles abois; ne t'effraient plus le langage, ni ses scories, ni ses amers dévoiements, et qu'importent ceux qui croient que muette est l'absence! * C'est que la loutre est sourde et nous n'avons pas les moyens de déjeuner sur l'herbe. Il s'en faudrait de peu qu'éclate un casque de castor. * Ne suivre aucun chemin. Briser discours et rêves. Trouver l'os, le coeur, la pierre. Et s'humilier soi-même, oublier sa propre peau.
La voix n'est que la mince peau que le silence effleure ou n'est qu'un roulis sourd qui fait trembler le cœur. gardons-la pour nous-même, ne la libérons pas!
Ressasse à voix base tourments, désirs, vicissitudes. Les lèvres sont de neige, disent douceur, disent pâleur. Mais la voix toujours présente apaise corps et cœur.
Énumère, autour de toi, noisetiers, seringas, pommiers. Que tu sois ici, au centre, n'étonne ni tes proches ni toi-même car le tourbillon ne cesse d'entraîner tes fièvres d'éloigner tes poèmes.
Nu sans âge n'est que nuage qu'un nuage avala. Toute la peau frémit car la langue avait effleuré mille mots pour ne rien dire.
De la douceur volée à la cendre. De la dure langue au sel pur. de la femme évanouie à la chevelure. Et du cheval battu qui fuit jusqu'au bout de la nuit… Que de liens serrés qui serrent nos frêles membres engourdis!
Bascule en moi le rêve qui me fait tomber de sommeil, qui m'emporte au-delà des plus lointaines frontières. Boire à même la fièvre! vivre à cru pour t'aimer.
Énumère ou inventorie chuintements, cris et rages pour mieux cracher le feu que tu gardais pour l'ombre. L'ironie aussi a ses complots. * Nuages… et le caravansérail devient d'une légèreté accrue et le souffle que ta paume soupèse rend le corps transparent. Il est déjà temps d'écrire le seul mot de «transhumance».
PAR JACQUES IZOARD Copyright © Jacques Izoard, 2006 Copyright © Bon-A-Tirer, pour la diffusion en ligne | |
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