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Alexandre Dupeyron
À Casablanca, Casanearshore n’est encore qu’un chantier. Les Marocains
espèrent y attirer bientôt les grands noms de l’informatique .
MAGHREB
Les seize chantiers d’Hercule du Maroc
Le pays cherche à attirer par tous les moyens de nouveaux investisseurs étrangers high- tech.
ARNAUD RODIER
Le Maroc peut être un atout important pour l’Europe et pour la France
dans la compétition internationale qui se joue. En voulant tout garder,
vous n’allez rien protéger. » Mohammed Kebbaj, wali du Grand
Casablanca, a une vision radicale de la mondialisation et des
délocalisations. Le pays a lancé seize travaux d’Hercule il y a un peu
plus de cinq ans en créant seize comités d’investissement, un par
région, et le préfet affiche son optimisme.
Le plan Émergence, concocté par le cabinet McKinsey, a fixé en 2005
trois priorités au Maroc : accroître le PIB du pays de 1,6 point par an
pendant dix ans ; créer 440 000 emplois et réduire le déficit
commercial du pays. Il mise sur sept métiers : l’offshoring,
l’automobile, l’aéronautique, l’électronique, l’agroalimentaire, les
produits de la mer et le textile. Une poignée de villes, les plus
riches, en profitent véritablement : Casablanca, Tanger, Rabat,
Marrakech, Fès. Elles se livrent à une concurrence effrénée.
Concurrence renforcée début 2008 par un deuxième plan, Envol, qui
ajoute à la liste des secteurs prioritaires la biotechnologie, la
microélectronique et les nanotechnologies.
L’indien Tata à Casablanca
Casablanca, qui représente 45 % du PIB industriel du Maroc et attire 48
% des investissements, est décidée à garder à n’importe quel prix sa
place de capitale économique du pays. La longue avenue en bord de mer,
plantée de palmiers rachitiques, qui mène à Zenata, abrite une enfilade
d’usines. Cette bourgade, qui tient son nom d’une ancienne tribu
berbère, va passer de 42 000 habitants à 500 000 en 2030.
Boulevard d’Anfa, dans le centre de Casablanca, les villas sont
démolies, des immeubles modernes sont construits. En 2025, la ville
comptera cinq lignes de métro. Non loin du quartier chic de la
Californie, Casanearshore n’est encore qu’un chantier. Deux bâtiments
gris en construction livrés avec un peu de retard. BNP Paribas et le
marocain HPS sont en train d’y emménager. L’un va y installer sa
filiale Med IT, spécialisée dans la maintenance informatique, l’autre
ses services de paiement électronique sécurisé. Mais le premier à avoir
signé, dès 2006, un contrat avec ce centre dédié à « l’externalisation
des processus métiers et des traitements informatiques » est l’indien
Tata Consultancy Services.
Avec des coûts de revient de 70 % moins élevés qu’en Europe,
Casanearshore a entièrement loué les 34 000 mètres carrés disponibles
jusqu’en juin 2008 et, se félicite Anouar Atmani, directeur de la
stratégie, « les 48 000 mètres carrés suivants sont réservés à plus de
80 % » . Cette plate- forme de travail internationale va devenir,
assure- t- il, « le temple de l’informatique délocalisée. D’ici à deux
ans, 30 000 personnes y travailleront. Ce sera une petite ville de
province » . Une petite ville discrète cependant. Parmi les sociétés
qui l’ont choisie, plusieurs refusent qu’on dévoile leur nom. Anouar
Atmani ne s’en offusque pas. Il regrette simplement que l’on « confonde
délocalisations et pertes d’emploi alors qu’au contraire nous en créons
de nouveaux » .
Demain, Rabat, Fès, Marrakech vont suivre. Hamid Ben Elafdil, directeur
du centre régional d’investissement du Grand Casablanca, ne nie pas la
compétition qui s’amorce. Mais il veut croire que les villes vont se
spécialiser. « Les centres d’externalisation des services,
l’aéronautique et les pièces détachées pour l’automobile à Casablanca,
les chaînes d’assemblage de voitures à Tanger » , résume- t- il.
À Tanger, Renault va construire 400 000 véhicules en 2010. Mais la
réalité est plus complexe. Cette métropole n’entend pas se contenter de
l’industrie lourde. Elle est en train de créer un pôle entièrement
consacré aux nanotechnologies. Tout comme Rabat et Marrakech.
À Casablanca, les investisseurs étrangers regardent également ce qui se
passe ailleurs. Saïd Tanta, PDG de A2S Industries, une société franco-
marocaine spécialisée dans la sous- traitance électronique installée à
Mohammedia, ne cache pas que Tanger l’intéresse. « Nous avons d’ores et
déjà pris contact avec Renault à Paris » , reconnaît- il. La ligne TGV
Tanger- Marrakech promise par Paris en octobre dernier le tente aussi.
Former 15 000 ingénieurs par an
Pour ne pas perdre son avance, Casablanca met les bouchées doubles. Un
parc aéronautique à Nouaceur, où est notamment installé Matis
Aerospace, coentreprise entre Boeing et Labinal, doit créer 30 000
emplois à l’horizon 2020. Le tourisme d’affaires est également mis en
valeur avec un immense projet de réaménagement de la ville comprenant
marina, golfs, Palais des congrès et la construction de près de 6 000
chambres d’hôtel. En 2012, « 10 % du PIB marocain proviendra des
nouvelles technologies » , affirme Bachir Rachdi, président de la
Fédération des technologies de l’information, des télécommunications et
de l’offshoring qui compte 116 adhérents employant environ 60 000
personnes.
Mais il va falloir former 15 000 ingénieurs par an ! Du coup, certains
d’entre eux rentrent au pays après avoir fait leurs études à
l’étranger. Le phénomène va s’accélérer.
Si le salaire minimum au Maroc plafonne à 1 euro de l’heure tous frais
compris, le salaire d’un ingénieur hautement spécialisé n’est « pas
loin de celui d’un Français » , confirme Vicent Caro, directeur général
de Matis.
( Envoyé spécial à Casablanca)
Le pays cherche à attirer par tous les moyens de nouveaux investisseurs étrangers high- tech.
ARNAUD RODIER
Le Maroc peut être un atout important pour l’Europe et pour la France
dans la compétition internationale qui se joue. En voulant tout garder,
vous n’allez rien protéger. » Mohammed Kebbaj, wali du Grand
Casablanca, a une vision radicale de la mondialisation et des
délocalisations. Le pays a lancé seize travaux d’Hercule il y a un peu
plus de cinq ans en créant seize comités d’investissement, un par
région, et le préfet affiche son optimisme.
Le plan Émergence, concocté par le cabinet McKinsey, a fixé en 2005
trois priorités au Maroc : accroître le PIB du pays de 1,6 point par an
pendant dix ans ; créer 440 000 emplois et réduire le déficit
commercial du pays. Il mise sur sept métiers : l’offshoring,
l’automobile, l’aéronautique, l’électronique, l’agroalimentaire, les
produits de la mer et le textile. Une poignée de villes, les plus
riches, en profitent véritablement : Casablanca, Tanger, Rabat,
Marrakech, Fès. Elles se livrent à une concurrence effrénée.
Concurrence renforcée début 2008 par un deuxième plan, Envol, qui
ajoute à la liste des secteurs prioritaires la biotechnologie, la
microélectronique et les nanotechnologies.
L’indien Tata à Casablanca
Casablanca, qui représente 45 % du PIB industriel du Maroc et attire 48
% des investissements, est décidée à garder à n’importe quel prix sa
place de capitale économique du pays. La longue avenue en bord de mer,
plantée de palmiers rachitiques, qui mène à Zenata, abrite une enfilade
d’usines. Cette bourgade, qui tient son nom d’une ancienne tribu
berbère, va passer de 42 000 habitants à 500 000 en 2030.
Boulevard d’Anfa, dans le centre de Casablanca, les villas sont
démolies, des immeubles modernes sont construits. En 2025, la ville
comptera cinq lignes de métro. Non loin du quartier chic de la
Californie, Casanearshore n’est encore qu’un chantier. Deux bâtiments
gris en construction livrés avec un peu de retard. BNP Paribas et le
marocain HPS sont en train d’y emménager. L’un va y installer sa
filiale Med IT, spécialisée dans la maintenance informatique, l’autre
ses services de paiement électronique sécurisé. Mais le premier à avoir
signé, dès 2006, un contrat avec ce centre dédié à « l’externalisation
des processus métiers et des traitements informatiques » est l’indien
Tata Consultancy Services.
Avec des coûts de revient de 70 % moins élevés qu’en Europe,
Casanearshore a entièrement loué les 34 000 mètres carrés disponibles
jusqu’en juin 2008 et, se félicite Anouar Atmani, directeur de la
stratégie, « les 48 000 mètres carrés suivants sont réservés à plus de
80 % » . Cette plate- forme de travail internationale va devenir,
assure- t- il, « le temple de l’informatique délocalisée. D’ici à deux
ans, 30 000 personnes y travailleront. Ce sera une petite ville de
province » . Une petite ville discrète cependant. Parmi les sociétés
qui l’ont choisie, plusieurs refusent qu’on dévoile leur nom. Anouar
Atmani ne s’en offusque pas. Il regrette simplement que l’on « confonde
délocalisations et pertes d’emploi alors qu’au contraire nous en créons
de nouveaux » .
Demain, Rabat, Fès, Marrakech vont suivre. Hamid Ben Elafdil, directeur
du centre régional d’investissement du Grand Casablanca, ne nie pas la
compétition qui s’amorce. Mais il veut croire que les villes vont se
spécialiser. « Les centres d’externalisation des services,
l’aéronautique et les pièces détachées pour l’automobile à Casablanca,
les chaînes d’assemblage de voitures à Tanger » , résume- t- il.
À Tanger, Renault va construire 400 000 véhicules en 2010. Mais la
réalité est plus complexe. Cette métropole n’entend pas se contenter de
l’industrie lourde. Elle est en train de créer un pôle entièrement
consacré aux nanotechnologies. Tout comme Rabat et Marrakech.
À Casablanca, les investisseurs étrangers regardent également ce qui se
passe ailleurs. Saïd Tanta, PDG de A2S Industries, une société franco-
marocaine spécialisée dans la sous- traitance électronique installée à
Mohammedia, ne cache pas que Tanger l’intéresse. « Nous avons d’ores et
déjà pris contact avec Renault à Paris » , reconnaît- il. La ligne TGV
Tanger- Marrakech promise par Paris en octobre dernier le tente aussi.
Former 15 000 ingénieurs par an
Pour ne pas perdre son avance, Casablanca met les bouchées doubles. Un
parc aéronautique à Nouaceur, où est notamment installé Matis
Aerospace, coentreprise entre Boeing et Labinal, doit créer 30 000
emplois à l’horizon 2020. Le tourisme d’affaires est également mis en
valeur avec un immense projet de réaménagement de la ville comprenant
marina, golfs, Palais des congrès et la construction de près de 6 000
chambres d’hôtel. En 2012, « 10 % du PIB marocain proviendra des
nouvelles technologies » , affirme Bachir Rachdi, président de la
Fédération des technologies de l’information, des télécommunications et
de l’offshoring qui compte 116 adhérents employant environ 60 000
personnes.
Mais il va falloir former 15 000 ingénieurs par an ! Du coup, certains
d’entre eux rentrent au pays après avoir fait leurs études à
l’étranger. Le phénomène va s’accélérer.
Si le salaire minimum au Maroc plafonne à 1 euro de l’heure tous frais
compris, le salaire d’un ingénieur hautement spécialisé n’est « pas
loin de celui d’un Français » , confirme Vicent Caro, directeur général
de Matis.
( Envoyé spécial à Casablanca)