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Sujet: Arthur RIMBAUD 8/3/2008, 17:10
Arthur RIMBAUD (1854 – 1891)
Poète français né à Charleville, aventurier, voyageur.
Les Etrennes des Orphelins, son premier poème, date de 1869. Génie précoce, il avait quinze ans lors de sa rédaction. Composée dans l’urgence d’une vie électrique, la suite de son œuvre explore les terres inconnues du sommeil et du rêve. A l’âge de dix-sept ans il vient à Paris, apportant, avec le Bateau ivre (cf spoiler), l’idée que la poésie naît d’une « alchimie du Verbe » et des sens. Maraudeur dans le verger de la parole, il y déroba un secret qui fonde la modernité poétique : « Je est un autre ». Rimbaud compose sous le choc de l’aventure de son amitié avec Verlaine, qui se termine par une scène de rupture à coup de revolver, les poèmes en prose d’Une saison en enfer (1873), où il exprime ses « délires ».
A vingt ans, son œuvre est close. Arthur, une fois adulte, s’écarte de l’œuvre qu’il a écrite adolescent. Il mène alors une existence errante (soldat, déserteur, trafiquant d’armes) à Java, au Harar. Il donne l’impression de rejeter, par sa fuite, la poésie qu’il a pourtant contribué à bouleverser. En 1886, la Vogue publie son recueil de proses et de vers libres Illuminations. Il meurt à 37 ans, à l’hôpital de Marseille, au moment où sa poésie commence à être reconnue comme l’aboutissement des recherches romantiques et baudelairiennes.
Nourrie de révolte, auréolée de légende, revendiquée par le surréalisme, l’œuvre de Rimbaud est la source sans laquelle la poésie moderne, qu’il a profondément influencée, ne peut être comprise. Encore aujourd’hui, auteur fascinant et souvent cité, il est notre contemporain et ne cesse d’incarner la poésie et d’en montrer les pouvoirs. D’en indiquer aussi, par son existence, les limites.
A lire : Une saison en enfer (1873) Illuminations (1886)
Le Bateau ivre (un de mes poèmes préférés)
Spoiler:
Le Bateau ivre Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J'étais insoucieux de tous les équipages, Porteur de blés flamands ou de cotons anglais. Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées Moi l'autre hiver plus sourd que les cerveaux d'enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes. Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !
Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures, L'eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d'astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l'amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants : Je sais le soir, L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes, Et j'ai vu quelque fois ce que l'homme a cru voir !
J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets, Pareils à des acteurs de drames très-antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïes, Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries Hystériques, la houle à l'assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !
J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! Des écroulement d'eau au milieu des bonaces, Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises ! Échouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés de punaises Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants. - Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...
Presque île, balottant sur mes bords les querelles Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir, à reculons !
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau, Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes, Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d'azur,
Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs, Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais, Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l'Europe aux anciens parapets !
J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : - Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles, Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ? -
Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer : L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes. Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !
Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames, Enlever leur sillage aux porteurs de cotons, Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
- Texte de la copie de Verlaine (Bibliothèque Nationale de France, ancienne collection Barthou). - Première publication dans Lutèce, 2 novembre 1883.
Dernière édition par Phidias le 30/1/2009, 14:42, édité 3 fois
Phidias Homo Pacificus
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Sujet: Re: Arthur RIMBAUD 27/4/2008, 18:22
Un documentaire exceptionnel sur Rimbaud est disponible en DVD ...
La période Aden ...
Phidias Homo Pacificus
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Sujet: Re: Arthur RIMBAUD 30/1/2009, 12:41
Une controverse sur l'authenticité d'une photo de Rimbaud dans sa période africaine :
Citation :
Une photographie représentant six personnages tenant un fusil devant une maison et ayant pour légende « avant déjeuner à Sheikh-Othman » a été présentée par Claude Jeancolas dans son livre "l’Afrique de Rimbaud" publié en 1999. L’un des personnages serait Rimbaud. Jean-Jacques Lefrère en a fait la page de couverture de son livre "Rimbaud à Aden" publié en 2001. La conviction de ces biographes repose sur la ressemblance de ce portrait avec ceux que nous connaissons de Rimbaud à Aden. Cette ressemblance est favorisée par le fait que le personnage est habillé de blanc comme l’était le poète à cette époque. On ignore complètement le nom des autres personnages de la photographie ainsi que le nom de celui qui l’a prise.
Mais sagit-il bien de RIMBAUD ?
L'article paru dans Paris-Match en 2001 : http://www.mag4.net/Rimbaud/parismatch10052001.html
la photo de Rimbaud à Aden (75 000 €, préemptée par le musée Rimbaud de Charleville [1]) à laquelle Philippe Sollers a consacré un texte : Le fusil de Rimbaud et que l’on trouve dans le beau livre de Jean-Jacques Lefrère Face à Rimbaud (Edit. Phébus, 2006) :
Cette photographie, seul portrait connu de Rimbaud à Aden, est datée de la manière la plus vague par cette légende manuscrite : " Environs d’Aden. Avant le déjeunet à Scheick Otman ". En 1998, Arnaud Delas, directeur d’une galerie parisienne spécialisée dans les clichés anciens, rendit publique sa découverte de ce document trouvé dans un lot de photographies des années 1880 représentant différents sites d’Aden et de la région. On sait aujourd’hui que cet ensemble avait été constitué par César Tian, négociant français d’Aden, dont Rimbaud fut le collaborateur pendant les dernières années de sa vie.
Scheick-Otman était un village de quelques centaines d’habitants, situé à une dizaine de kilomètres au nord d’Aden, entre Aden-Camp et la petite cité de Lahedj. L’endroit était une oasis de fraîcheur exceptionnelle dans cette région particulièrement aride.
Pour ce portrait de groupe, six individus, tenant chacun un fusil, ont posé sur deux rangs devant la maison de maître Hassan Ali, notable adéni très fortuné. Aucun nom n’est inscrit sur le document, mais il s’agit visiblement, d’après le commentaire manuscrit, de Français de la colonie anglaise d’Aden, qui étaient fort peu nombreux. Rimbaud est le seul nu-tête. On retrouvera ce visage émacié de tête brûlé, avec la même expression dure et fermée, sur les autoportraits photographiques que Rimbaud prendra au Harrar en 1883.
Il s’agit là, avec la photographie scolaire de l’institution Rollat et Coin de table de Fantin-Latour, du troisième et dernier portrait de groupe où figure Rimbaud. Dans chaque cas, celui-ci semble d’ailleurs étranger au groupe : étranger aux autres élèves, étranger aux poètes, étrangers à ses compatriotes d’Aden. (Commentaire de Jean-Jacques Lefrère, Face à Rimbaud)
Mais il existe un élément essentiel qui interdit l’attribution de cette photographie à Rimbaud. Nous connaissons une caractéristique précise du visage de Rimbaud : il est ovale. Verlaine parlait du visage parfaitement ovale de Rimbaud. Le passeport de Rimbaud réalisé en 1887 au Caire mentionne aussi comme signalement un visage ovale. Les photographies de Rimbaud à Aden le montrent aussi très clairement : son visage est parfaitement ovale.Or le portrait prétendu de Rimbaud à Aden est en forme de trapèze et cela est parfaitement visible.
Il n’y a aucun doute possible : il ne s’agit pas de Rimbaud.
http://www.mag4.net/Rimbaud/forum/index.php
lilia Homo Addictus
Nombre de messages : 1290 Age : 39 Date d'inscription : 04/02/2008
Sujet: Re: Arthur RIMBAUD 2/2/2009, 00:45
et qu'en est il de sa relation avec Paul Verlaine ? surtout que ce dernier au début était amoureux de sa femme (sa cousine par la même occasion)
Phidias Homo Pacificus
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Sujet: Re: Arthur RIMBAUD 2/2/2009, 01:03
lilia a écrit:
et qu'en est il de sa relation avec Paul Verlaine ? surtout que ce dernier au début était amoureux de sa femme (sa cousine par la même occasion)
Aucune ambiguïté ni doute à ce sujet, c'était une relation amoureuse consommée entre la vierge folle (Verlaine) et l'époux infernal (Rimbaud). Verlaine était certes amoureux de sa jeune femme Mathilde (qui n'était pas sa cousine, confusion avec le premier grand amour Elisa), d'ailleurs les deux poètes étaient essentiellement hétéros, toutefois ils se sont trouvés bien ensemble et en ont profité pour dérégler leurs sens autant que possible. Comme plus tard Jagger et Bowie.
lilia Homo Addictus
Nombre de messages : 1290 Age : 39 Date d'inscription : 04/02/2008
Sujet: Re: Arthur RIMBAUD 2/2/2009, 01:17
merci pour l'éclaircissement phidias !
en ce qui me concerne je trouve Rimbaud beaucoup trop beau pour être l'amoureux de Verlaine, mais j'apprécie beaucoup la poésie de Verlaine, surtout Poèmes Saturniennes
pour ce qui est du fait que tout les deux étaient essentiellement hétéro, j'ai entendu dire que Louis ARAGON (le fou d'Elsa ) après la mort de sa femme était devenue homo à son tour chose qui m'a beaucoup étonné ! on disait que c'était en raison du fait qu'il n'a pu aimer une autre femme après elle ?
Phidias Homo Pacificus
Nombre de messages : 5257 Localisation : ... dans le désert Date d'inscription : 04/07/2007
Sujet: Re: Arthur RIMBAUD 2/2/2009, 01:33
lilia a écrit:
en ce qui me concerne je trouve Rimbaud beaucoup trop beau pour être l'amoureux de Verlaine, mais j'apprécie beaucoup la poésie de Verlaine, surtout Poèmes Saturniennes
les attirances sont des affinités électives et sélectives dont les motivations peuvent échapper aux observateurs. Voir aux protagonistes eux-mêmes. Rimbaud était magnétiquement beau, tu le reconnais toi-même. Tu peux donc au moins comprendre Verlaine.
lilia a écrit:
pour ce qui est du fait que tout les deux étaient essentiellement hétéro, j'ai entendu dire que Louis ARAGON (le fou d'Elsa ) après la mort de sa femme était devenue homo à son tour chose qui m'a beaucoup étonné ! on disait que c'était en raison du fait qu'il n'a pu aimer une autre femme après elle ?
De même sexe ou opposé, en amour c'est avant tout deux individus qui s'aiment. Aragon a beaucoup aimé. Des femmes et des hommes. Et ça peut se comprendre après avoir été si passionné avec Elsa de ne pas lui avoir trouvé une succédante.
Pour l'anecdote tu viens de citer 2 poètes (Rimbaud et Aragon) qui ont un autre point commun que leur multi-sexualité : leur signe astrologque Balance ... comme moi
Phidias Homo Pacificus
Nombre de messages : 5257 Localisation : ... dans le désert Date d'inscription : 04/07/2007
Sujet: Re: Arthur RIMBAUD 27/8/2009, 16:49
Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie, Verse l'amour brûlant à la terre ravie, Et, quand on est couché sur la vallée, on sent Que la terre est nubile et déborde de sang ; Que son immense sein, soulevé par une âme, Est d'amour comme Dieu, de chair comme la femme, Et qu'il renferme, gros de sève et de rayons, Le grand fourmillement de tous les embryons !
Et tout croît, et tout monte !
Rimbaud : Extrait de Soleil et Chair
Phidias Homo Pacificus
Nombre de messages : 5257 Localisation : ... dans le désert Date d'inscription : 04/07/2007
Sujet: Re: Arthur RIMBAUD 27/8/2009, 22:20
Sommaire n°489 septembre 2009
Citation :
Le Dossier 58 Arthur Rimbaud dossier coordonné par Maxime Rovere 60 Une introuvable version originale, par André Guyaux 63 À l’école de la parodie, par Bruno Claisse 65 Premier prix de latin et de vieux français, par Denis Hüe 66 Mythologies de « l’enfant prodige », par Alain Kerlan 68 Un Zutiste très actif, par Seth Whidden 70 Verlaine-Rimbaud : portraits croisés d’un piteux César, par Steve Murphy 73 Le poids des Illuminations, par Jacques Bienvenu 74 Plus linguiste qu’alchimiste, par Olivier Bivort 76 Une saison en enfer, champ de forces, par Yann Frémy 78 Dérégler les sens et la mesure, par Benoît de Cornulier 80 « J’ai voulu dire ce que ça dit », par Georges Kliebenstein 82 Les lettres invisibles du Voyant, par Jean-Luc Steinmetz 84 Poète blanc, coeur noir, par Claude Jeancolas 86 Ceci est son corps, par Georges Kliebenstein 87 Bibliographie, par Alain Bardel
... un Dossier Rimbaud assez peu intéressant, pour les novices comme pour les initiés, articles très conventionnels dans lesquels nous n'apprenons pas grand chose de nouveaux, en tout cas rien qui ne donne vraiment envie de se resservir un vers ...
chidd-min-ghadi Homo Habilis
Nombre de messages : 857 Age : 39 Localisation : l'olympe Date d'inscription : 18/08/2009
Sujet: Re: Arthur RIMBAUD 27/8/2009, 23:43
je n'sais pas si on l'a évoqué sur le forum mais on a trouvé un texte inédit que rimbaud a envoyé au journal "progrés" des ardennes ... qui est un texte poétique et politique qui attaque l'ennemie de sa patrie.
"Le rêve de Bismarck"
Citation :
C'est le soir. Sous sa tente, pleine de silence et de rêve, Bismarck, un doigt sur la carte de France, médite; de son immense pipe s'échappe un filet bleu.
Bismarck médite. Son petit index crochu chemine, sur le vélin, du Rhin à la Moselle, de la Moselle à la Seine; de l'ongle il a rayé imperceptiblement le papier autour de Strasbourg ; il passe outre.
À Sarrebruck, à Wissembourg, à Woerth, à Sedan, il tressaille, le petit doigt crochu : il caresse Nancy, égratigne Bitche et Phalsbourg, raie Metz, trace sur les frontières de petites lignes brisées, - et s'arrête... Triomphant, Bismarck a couvert de son index l'Alsace et la Lorraine! - Oh! sous son crâne jaune, quels délires d'avare! Quels délicieux nuages de fumée répand sa pipe bienheureuse!...
***
Bismarck médite. Tiens! un gros point noir semble arrêter l'index frétillant. C'est Paris. Donc, le petit ongle mauvais, de rayer, de rayer le papier, de ci, de là, avec rage, - enfin, de s'arrêter... Le doigt reste là, moitié plié, immobile.
Paris! Paris! - Puis, le bonhomme a tant rêvé l'œil ouvert que, doucement, la somnolence s'empare de lui: son front se penche vers le papier; machinalement, le fourneau de sa pipe, échappée à ses lèvres, s'abat sur le vilain point noir...
Hi! povero! en abandonnant sa pauvre tête, son nez, le nez de M. Otto de Bismarck, s'est plongé dans le fourneau ardent... Hi! povero! va povero! dans le fourneau incandescent de la pipe... hi! povero! Son index était sur Paris!... Fini, le rêve glorieux!
***
Il était si fin, si spirituel, si heureux, ce nez de vieux premier diplomate! - Cachez, cachez ce nez!... Eh bien! mon cher, quand, pour partager la choucroute royale, vous rentrerez au palais [mots illisibles] avec des crimes de... dame [mots illisibles] dans l'histoire, vous porterez éternellement votre nez carbonisé entre vos yeux stupides!...
Voilà! Fallait pas rêvasser!
Jean Baudry (Article paru dans « le Progrès des Ardennes » du 25 novembre 1870)
Nombre de messages : 5257 Localisation : ... dans le désert Date d'inscription : 04/07/2007
Sujet: Re: Arthur RIMBAUD 28/8/2009, 11:22
chidd-min-ghadi a écrit:
je n'sais pas si on l'a évoqué sur le forum mais on a trouvé un texte inédit que rimbaud a envoyé au journal "progrés" des ardennes ... qui est un texte poétique et politique qui attaque l'ennemie de sa patrie.
"Le rêve de Bismarck"
Citation :
C'est le soir. Sous sa tente, pleine de silence et de rêve, Bismarck, un doigt sur la carte de France, médite; de son immense pipe s'échappe un filet bleu.
Bismarck médite. Son petit index crochu chemine, sur le vélin, du Rhin à la Moselle, de la Moselle à la Seine; de l'ongle il a rayé imperceptiblement le papier autour de Strasbourg ; il passe outre.
À Sarrebruck, à Wissembourg, à Woerth, à Sedan, il tressaille, le petit doigt crochu : il caresse Nancy, égratigne Bitche et Phalsbourg, raie Metz, trace sur les frontières de petites lignes brisées, - et s'arrête... Triomphant, Bismarck a couvert de son index l'Alsace et la Lorraine! - Oh! sous son crâne jaune, quels délires d'avare! Quels délicieux nuages de fumée répand sa pipe bienheureuse!...
***
Bismarck médite. Tiens! un gros point noir semble arrêter l'index frétillant. C'est Paris. Donc, le petit ongle mauvais, de rayer, de rayer le papier, de ci, de là, avec rage, - enfin, de s'arrêter... Le doigt reste là, moitié plié, immobile.
Paris! Paris! - Puis, le bonhomme a tant rêvé l'œil ouvert que, doucement, la somnolence s'empare de lui: son front se penche vers le papier; machinalement, le fourneau de sa pipe, échappée à ses lèvres, s'abat sur le vilain point noir...
Hi! povero! en abandonnant sa pauvre tête, son nez, le nez de M. Otto de Bismarck, s'est plongé dans le fourneau ardent... Hi! povero! va povero! dans le fourneau incandescent de la pipe... hi! povero! Son index était sur Paris!... Fini, le rêve glorieux!
***
Il était si fin, si spirituel, si heureux, ce nez de vieux premier diplomate! - Cachez, cachez ce nez!... Eh bien! mon cher, quand, pour partager la choucroute royale, vous rentrerez au palais [mots illisibles] avec des crimes de... dame [mots illisibles] dans l'histoire, vous porterez éternellement votre nez carbonisé entre vos yeux stupides!...
Voilà! Fallait pas rêvasser!
Jean Baudry (Article paru dans « le Progrès des Ardennes » du 25 novembre 1870)
... un petit texte de Rimbaud, sans être extraordinaire, ça reste intéressant ... plus pour son état d'esprit que pour sa valeur littéraire ... sa période révolté politique ... avec cet humour grinçant d'adolescent ... et ces mots qui le décrivent lui ... l'homme en devenir ... et personne d'autre ... même si là il y manque les visions et luxuriances à venir ...
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Sujet: Re: Arthur RIMBAUD
Arthur RIMBAUD
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