Kahéna Homo Addictus
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| Sujet: L'envers de FACEBOOK 23/2/2008, 22:18 | |
| Article trouvé vraiment par hasard mais très intéressant! (http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Documents/Facebook--Face_a_face_avec_Facebook_par_Jacques_Dufresne)
Sachons au moins qui nous enrichissons et à qui nous donnons accès à notre vie privée quand nous nous nous bousculons à la porte de la maison de verre appelée Facebook.
Texte Depuis que Microsoft a déboursé, le 4 octobre dernier, 240 millions de dollars pour acquérir 1,6% des actions de Facebook, cette entreprise vaut 15 milliards. Cette évaluation a été confirmée un peu plus tard au cours de l\'automne 2007 au moment où le chinois Li-ka-Shing, neuvième fortune du monde, a pris une participation de 0,4% au coût de 60 millions.
Chacun des 60 millions de membres de ce club sans frontières aura donc rapporté 250 dollars aux actionnaires de la compagnie de Palo Alto. Et demain, quand à votre tour vous afficherez vos \"détails \"sur le wall de Facebook, c'est 300$ que vous ajouterez à la fortune de ces messieurs. Pardon, il y a aussi une dame très influente dans le réseau (bien réel celui-là) des personnes qui ont assuré le départ de Facebook, Anita Jones, membre du conseil de BBN Technologies, une entreprise dont nous dirons un mot plus loin.
Et le grand nombre appelle le grand nombre. Tout récemment, aux nouvelles de la télévision de Radio-Canada, on a présenté Facebook avec une complaisance équivalant à la plus efficace des publicités. C\'est tout juste si, à la fin du reportage, on a mis les gens en garde contre l'usage qu'on pouvait faire de leurs \"détails\" , comme si \'était là l\'unique chose dont ils devaient s\'inquiéter. De toute évidence, il fallait plaire aux 8 millions de Canadiens qui ont déjà franchi le seuil de la grande maison de verre.
\"Détails! \" Cet euphémisme quelque peu exhibitionniste est le mot le plus fréquemment utilisé en français pour désigner la personal information que l'on donne sur divers sites Internet en échange des services qu\'on reçoit d\'eux. Détails! Quels détails? Soit, vous n\'avez rien à cacher, ni vos yeux comme à l\'époque de Dante et Béatrice, ni vos films préférés. Mais pousserez-vous l'altruisme jusqu\'à vous réjouir de ce que vos secrets personnels soient affichés sur les murs d'une maison transparente appartenant à des anciens dirigeants d'In-Q-Tel, une entreprise de capital de risque fondée par la CIA, en 1999, et passée à l'avant-garde du renseignement américain après le 11 septembre 2001 ?
Autre détail! Quatre ans après le lancement des opérations, l\'anglais est toujours la langue officielle unique de la Maison virtuelle; sans doute va-t-il de soi que l'on adopte la langue de son hôte quand il ouvre si généreusement les portes de ses salons, poussant même l'hospitalité jusqu'à vous offrir une suite où vous pourrez causer avec vos amis dans votre langue. Notez bien toutefois qu\'il s\'agit de votre langue en tant qu\'individu, et non celle de votre pays, car ici les pays n\'existent plus. Leur marginalisation est même l\'un des buts avoués de l\'actionnaire le plus influent, le philosopher-venture capitalist, Paul Thiel.
Le Bill Gates de cette nouvelle saga s\'appelle Mark Zuckerberg; il a lui aussi interrompu ses études à Harvard pour lancer son projet. En 2004, Zuckerberg et deux de ses confrères, Chris Hughes et Dustin Moskovitz, se rendent en Californie, où ils sont reçus par Paul Kiel, qui leur avance 500 000$. Cet investisseur avait été auparavant le président fondateur de Pay Pal, le service bancaire en ligne qui a permis de faire circuler, par-delà les frontières, l\'argent nécessaire à l\'enrichissement des maîtres du jeu sur Internet. Pay Pal a ensuite été acheté par eBay au prix de 1,5 milliard, Thiel se réservant 55 millions. Paypal n\'était que l\'une des trois entreprises de celui que le magazine Bloomberg Markets appela : \"one of the most successful hedge fund managers in the country\". Les deux autres, Clarium Capital Management et Founders Fund, existent toujours. C\'est le Founders Fund qui figure sur la liste des actionnaires de Facebook, avec 5% des actions, soit 750 millions, pour un investissement initial de 25 millions et quelques coups de téléphone à d\'autres membres de la « Pay Pal mafia », selon l\'expression du magazine Fortune. Thiel est l\'un de ceux qui ont parié avec profit sur la baisse du dollar américain et la hausse du prix du pétrole. La montée du dollar canadien et le choc qu\'elle a provoqué dans le secteur industriel au Québec et en Ontario en particulier est sans doute l\'un des effets secondaires de la spéculation de Thiel. Est-ce pour le remercier de ses bons services que les Canadiens se bousculent aux portes de la Maison de verre ?
La spéculation, Thiel la pratique dans les deux sens du terme, en plaçant la variante théorique au premier plan, comme il se doit. Si brillantes que soient ses opérations financières, elles ne sont en effet que l\'application de ses théories. Il a d\'abord étudié la philosophie à Stanford, l\'université des fondateurs de Google où il eut comme maître René Girard, un maître vénéré, dont il semble avoir surtout retenu que les hommes sont la proie d\'un désir mimétique qui les apparente au mouton. C'est sans doute pour éviter ce sombre destin à ses jeunes confrères qu'il a publié en 1998, en collaboration avec David Sacks un livre intitulé The Diversity Myth, où il s\'attaque au multiculturalisme tel qu'on le pratique à Stanford, avec sa discrimination positive, ses interprétations de la science comme phénomène culturel et sa réduction de la vérité philosophique aux valeurs des diverses cultures. Grâce à ce livre, et graĉe aux commentaires qu'il inspira à René Girard 1 et à Élisabeth-Foz Genovese,2 Thiel apparut comme un courageaux défenseur de la Civilisation contre la barbarie du totalitarism.
Allan Bloom avait défendu des idées semblables dans The closing of the american mind, paru en 1987, mais il l\'avait fait en tant qu\'universitaire, sans même rêver de quitter le plan théorique Mais Paul Thiel n\'est pas platoncien à la manière d\'Allan Bloom. Il a compris que l\'important est de gagner la bataille des idées, non parmi les universitaires, ce qui serait inutilement difficile, mais sur le terrain des faits. Son rôle de protecteur de la civilisation le servira à merveille dans des opérations plus terre à terre. Nous sommes aux États-Unis où le cynisme et la volonté de puissance n\'apparaissent jamais à l\'état pur mais toujours sous le déguisement d\'un grand idéal vertueux; rendons justice à Thiel, ce manipulateur de la transparence n\'a pas caché ses propres couleurs. On les retrouve non tamisées sur le site Thevanguard.com que son maître et ami, le philosophe Rod. A. Martin a lancé pour limiter l\'influence du site pro-Clinton des libéraux américains. Par rapport à ce Martin, Margaret Thatcher et Ronald Reagan sont des centristes modérés. D\'où sans doute cet éloge signé Peter Thiel: « Rod est l’un des esprits-leaders de notre nation dans la création d’idées nouvelles et nécessaires à une politique publique. Il possède une plus grande compréhension de l’Amérique que la plupart des hommes des cadres supérieurs ont de leurs propres affaires. »
Est-il possible qu\'un disciple de René Girard soit aussi un adepte si fervent du scientisme qu\'on puisse voir en lui un post humaniste, un croisé de la nouvelle espèce en voie de formation bien au-dessus de la mortelle espèce humaine ? Que la chose soit possible ou non, nul ne peut nier que Thiel a fait un don de 3,5 millions à la Methuselah Fondation dont le président, Aubrey de Grey, un bio gérontologue réputé, est persuadé que d'ici 2030 on triomphera du vieillissement et de la mort grâce à la génétique et à l'informatique. Or, en finir avec la mort, est l\'obsession centrale des post humanistes, comme nous le rappelle Antoine Robitaille dans Le nouvel homme nouveau.
Refuser la mort, c\'est refuser la nature. Peter Thiel est cohérent. Il n\'aime pas cette nature, cette vie, dans l'homme ou hors de l'homme, dont Hobbes a dit qu\'elle est «grossière, brutale et courte.» La perfection est ailleurs. Mais où? On devine la réponse de Thiel: dans une nature remodelée par l\'homme. Mais en attendant que cette téméraire opération soit achevée, en quoi faut-il incarner son idéal? Dans le monde virtuel. Le Web apparaît ainsi comme une vaste salle d'attente à la porte du paradis. Les rapports humains y sont moins brutaux que dans la vie réelle et la liberté plus grande. À propos de Pay Pal, le magazine Bloomberg Markets a écrit: « Pour Thiel c\'est une question de liberté: Pay Pal permettrait aux gens d'échapper aux contrôles monétaires et d\'assurer la libre circulation de l\'argent sur la planète. » On soupçonne le libertarien Thiel de ne pas aimer les impôts.
«Il semble, écrit Tom Hodgkinson dans The Guardian que Thiel approuve les paradis fiscaux tels que Vanuatu, les îles Cayman, Monaco et les Barbades. Je pense qu'on en est droit d'affirmer que Thiel, comme Rupert Murdoch, propriétaire de My Space, est contre les taxes. Il aime la mondialisation de la culture numérique parce qu’elle met les seigneurs de la banque à l'abri des attaques. « Des ouvriers en révolte, a-t-il déclaré, ne pourraient pas s\'emparer d\'une banque située au Vanuatu. »
Telle est la vision du monde que partagent et renforcent, consciemment ou non, les sectateurs de Facebook. Peuvent-ils au moins avoir la consolation d\'être au pays de la liberté ? Certes rien, si ce n\'est leur désir mimétique, - désir qu'ils pourraient surmonter s\'ils le voulaient vraiment -, ne les contraint à occuper la suite qu'on leur propose dans la Maison de verre. Et ils sont d\'autre part avertis de tous les dangers qu'ils courent en étalant leur vie privée. Contrairement à ce que certains commentateurs racontent à ce sujet, ils peuvent savoir à l'avance, sils lisent le contrat qu'ils signent, que les propriétaires de Facebook peuvent faire à peu près tout ce qu\'ils veulent des renseignements qu'ils accumulent, y compris les mettre, au moins indirectement, à la disposition de ce qu\'on appelle aux États-Unis « Intelligence community », entendant par là le réseau des organismes de renseignement.
Nous avons abordé ailleurs dans cette encyclopédie la question du Soft Power. Nous avons également découvert que Vint Cerf, l\'un des deux promoteurs de la norme unique TCP-IP (sans frontières nationales) et l'historien officiel d'Internet, est devenu vice-président de Google. Bob Kahn, l\'autre promoteur de la norme unique, était de son côté à l\'emploi la compagnie BBN (compagnie fondée en 1940 par trois chercheurs du MIT, Bolt, Beranek et Newman) qui a joué un rôle central dans l'histoire d'Internet. Faut-il préciser que BNN a toujours été très proche du Pentagone ? Au centre de l'histoire d\'Internet, elle fait aussi partie de la préhistoire de Facebook. Le troisième membre du Conseil d\'administration de Facebook, avec Mark Zuckerberg, le jeune fondateur, et Peter Thiel, s\'appelle James Brewer. C'est lui qui, au moment opportun prit la décision, en tant que manager d'Accel Partners, d'injecter 12,7 millions dans Facebook. Auparavant il avait été président de National Venture Capital Association, (NVCA) alors que Gilman Louie, CEO de In-Q-Tel siégeait aussi au conseil de cette entreprise. C\'est la présence d'In-Q-Tel dans ce réseau qu\'il importe de souligner ici car il s\'agit d\'une entreprise de capital de risque créée par la C.I.A en 1999, dans un but qui s\'apparente à la mission de Facebook. Soit dit en passant, une visite sur le site d'In-Q-Tel,ii nous apprend que In-Q-Tel a vendu pour 2 millions des actions de Google obtenues en échange de ce qui allait devenir Google Maps. C'est donc grâce à des logiciels de la C.I.A que Google nous indique la voie à suivre.
Nous avons évoqué précédemment le rôle joué par la seule femme en vue dans cette saga, Irena Jones. Elle a été membre du Conseil de In-Q-Tel et NVAC et auparavant elle avait occupé des fonctions de première importance au Secrétariat à la Défense.iii
Et après? Est-ce parce qu\'on a des fonctions clés au Pentagone et qu\'on a côtoyé par la suite des actionnaires de Facebook qu\'on doit susciter la méfiance des 60 millions de membres du club ? Voici toutefois qu\'en 2002, le New York Times révélait l\'existence de liv l\'Intelligence awareness office, dont la mission est de recueillir et de rassembler en un seul lieu le maximum sur chaque individu, y compris au moyen d\'Internet et des cartes de crédit. Cette révélation a provoqué un tel tollé parmi les défenseurs des libertés civiles que IAO a disparu...pour être remplacé par l\'IXO (Intelligence exploration office) qui est dirigé par les mêmes personnes et remplit une mission semblable.
Faut-il rappeler que les services secrets... sont secrets et que si tous les indices que nous avons rassemblés ne prouvent pas formellement que l\'IXO a accès à aux détails des membres de Facebook, ces indices sont suffisamment clairs et inquiétants pour justifier un moment de réflexion avant d\'entrer dans la Maison de verre.
Un seul troupeau, pas de berger, disait Nietzsche, il y a plus d\'un siècle, à propos de l\'humanité future. Nietzsche s\'est trompé. Il y a bien un troupeau unique sur Facebook qui compte déjà 60 millions de têtes et s\'accroît au rythme de 2 millions par semaine, mais il y a plusieurs bergers, dont un berger philosophe, Peter Thiel qui pratique sa transhumance post humaniste dans une McLaren de 500 000$ et est servi dans ses haltes par un Butler en livrée. Cet homme qui considère les lois des nations les plus démocratiques comme des entraves à une liberté fondamentale est aussi celui qui manipule la moutonneuse espèce humaine au point de lui faire accepter une taxe privée imposée à ses citoyens virtuels consentants sous la forme de messages publicitaires ciblés. Les grands philosophes, de Platon à Descartes avaient compris que le choix est le plus bas degré de la liberté. Tout le monde aujourd\'hui est persuadé qu\'il en est le plus haut degré et la seule forme. Ce qui explique pourquoi nos contemporains acceptent librement de se constituer esclaves d'un homme qui ressemble étonnamment au chef le plus habile de la plus profitable des sectes. Auguste Comte avait donc raison: «l'esclavage avilit l'homme au point de s'en faire aimer.»
Orwell n\'avait pas prévu cette mystification de la liberté qui s'immole en se réduisant à un choix dont on sait qu'il est illusoire parce qu\'il est fondé sur l'ignorance des causes véritables de l'action, en l'occurrence le désir mimétique, selon Thiel lui-même. Tout ce qu\'on craignait hier encore, dans un contexte totalitaire, est non seulement permis, mais encouragé aujourd\'hui en tant que conséquence d\'un choix individuel. Si c'est par un tel choix que vous donnez à Big Brother droit de regard sur votre vie privée, Big Brother n\'est plus Big Brother, [b]il n'est qu'un innocent fournisseur de services sociaux en ligne.[/color]
Dernière édition par Kahéna le 23/2/2008, 23:00, édité 1 fois | |
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