Par Chloé Leprince (Rue89) 15H37 08/01/2008
Mehdi
Aboualiten a 24 ans. Il vit dans le Xe arrondissement à Paris, chez ses
parents: une mère française, un père né au Maroc qui a la nationalité
française depuis "trente ans", obtenue à son mariage avec la mère de
Mehdi.
Lui n'a jamais eu la nationalité marocaine. Il ne parle pas l'arabe
et n'a que des papiers français qui indiquent "Mehdi Fernand Mohamed
Aboualiten", en souvenir du prénom de ses deux grands-pères. Il dit
qu'il se sent "jambon-beur, moitié-moitié mais quand même en majorité
très Français".
Medhi alterne son activité de vidéaste avec des périodes de petits
boulots. Après avoir réalisé la décoration d'une boutique de vêtements
et travaillé durant un an, il peut prétendre aux allocations chômage.
Le 26 décembre, sur le coup de 11 heures, il se présente à l'antenne
Assedic du passage Dubail, près du canal Saint-Martin, non loin de son
domicile, pour y présenter son dossier.
Problème:
il a bien préparé fiches de paye, et a même son livret de famille en
poche, mais a oublié la photocopie de sa carte d'identité. Il devra
donc revenir. Mais, quelques jours plus tard, arrive par la Poste un courrier à en-tête de l'ANPE, que s'est procuré Rue89:
"Vous ne remplissez pas à ce jour la (les) condition(s) pour être inscrit(e) sur la liste des demandeurs d'emploi:
Vous n'avez pas présenté de titre de séjour ou de travail vous permettant d'accéder au marché du travail."
Titre de séjour? Sur son dossier, Mehdi Aboualiten avait pourtant
coché "nationalité française". Il avait bien omis de verser au dossier
une photocopie de sa carte d'identité. Mais c'est bien sur la seule
base de son patronyme que les services ont préjugé qu'il était étranger
et donc qu'il avait besoin d'un "titre de séjour" pour travailler en
France.
Lui qui n'a jamais eu d'autres papiers que tricolores est choqué;
son père, carrément outré. Même si, à 24 ans, le jeune Parisien
s'estime "insulté", il confie pourtant s'être fait aux contrôles de
police "pour les bronzés"... "quand ils sont bien faits":
C'est la première fois que le jeune homme dit avoir "la preuve
écrite" d'un délit de faciès, même s'il raconte, au quotidien, "les
contrôles de police" et les taxis qui le snobent lorsqu'il les hèle la
nuit.
Pour l'heure, le demandeur d'emploi n'a pas encore répondu au
courrier du 27 décembre. Contacté par Rue89, le service de presse de
l'Unedic n'avait pas donné suite à nos sollicitations mardi après-midi.
Mais, côté syndicats dans les services publics de l'emploi, on note qu'on franchit ici "un nouveau pas très inquiétant". Au SNU-ANPE,
Sylvette Uzan-Chomel estime peu probable que le courrier envoyé à Mehdi
Aboualiten relève de consignes explicites, et songe davantage à "une
initiative individuelle". Elle dénonce toutefois "le résultat d'un
climat général qui incite au zèle".