MES RINCURES ...

Périples infinis
d’Alep à Aden,
de Syrie au Yémen,
s’enfoncer vers le sud,
pays de la soif,
emprunter pistes improbables
cols impraticables,
la peau et les yeux brûlés,
lèvres tailladées
par la fatigue, la chaleur,
sans un arbre pour abri,
être ici,
sur des étendues infinies,
échapper aux brigands,
erreurs d’itinéraire et épuisement,
et enfin se faire adopter,
par les djinns et les vents,
et le désert languissant.

comme le climat spirituel d’une caravane
de contrebandiers des âmes,
commerce des épices et pierres précieuses
de nos esprits,
négoces d’étoffes, ambre et ivoire
de nos savoirs,
ce parcours initiatique,
entre intemporel et éphémère,
hanté par les dodelinants murmures des dunes,
récits de soleil et de vents,
évoque le voyage intérieur du pèlerin,
méharée hors des sentiers battus,
nos cœurs cheminent par-delà frontières et possessions,
or, parfums et perles
rite renouant avec une certaine sagesse,
sensation d'espace et douceur céleste,
furtive harmonie de l'être,
visage sans fards ni peurs,
corps rieur
... vivant !

Trajets cathartiques
traversant
l'authentique des paysages
de l’aride Wadi Rum,
territoires austères
et tourmentés,
depuis Jerash jusqu’à Aqaba,
sur les traces d’une terre ancienne,
immenses espaces safranés
de roches et de sable
qui recèle nombre de vestiges
d'humanité
datant d’avant notre ère,
de désert,
et où,
pour les hommes fatigués,
épuisés, desséchés,
les oasis deviennent des escales,
puits rares
d’une vie nomade
en sursis.

Râle des maudits,
Rire des fous,
Plainte du vent,
Chant des crépuscules,
La mélopée sortait de ses lèvres,
Ondée mystérieuse composée par les dieux,
Sarabande céleste confiée à la mémoire du sable,
Que la bouche du vieillard,
L’oreille du berger,
Les livres du chamelier,
D’une façon mystique et solennelle
Accents sans âges des musiques sacrés,
Rendent immortelles.

Face à ce port
Dont chacun des navires a oublié le nord,
Entouré par la misère et la mort,
Laissant derrière moi la nudité du monde,
Lieux où le soleil brûle les têtes,
Assèche les corps
Assoiffe les âmes,
Entendre l’appel du désert.
Où
Sans eau
Le ventre vide,
Dans une métaphysique des fins dernières
… j’éclaterai de rire !

Sur la route du nomade,
où la vie est fragile et difficile,
et les points d’eau bien trop rares,
se rencontrent beaucoup de vents et de sable,
tourments, hostilités et fables.
Derrière chaque dune, chaque rocher,
à travers une nature rude,
cobras, vipères et scorpions sont souvent cachés.
Heureusement, brisant la solitude aride du chamelier,
au détour d’un mont, au creux d’une vallée,
il y a des moments d’éternité, moments parfaits.
Le temps d’un passage, le temps d’une trêve,
reposant la méharée à l’ombre de palmiers,
buvant l’eau croupie des outres en peaux de chèvres,
goûtant la saveur et fraîcheur d’une orange,
avec quelques dattes à partager,
il y a l’inoubliable et l’indicible,
fragile harmonie vécue entre réel et rêve,
entre l’invisible et le sensible.

Caravane en route pour l’infini,
croisière initiatique
jusqu’aux rivages de l’immensité,
aux heures magiques des rendez-vous mystiques
de nos destinés,
sur la sente sauvage
de l’exilé,
durant sa longue quête construite
pas à pas
à travers le désert,
ses silences et mystères,
au gré des pluies,
puits et pâturages,
il se respire plus de spiritualité,
d’absolu et de vie
que dans tous les temples,
cathédrales et mausolées,
asile mirages des naufragés.

Instants de grâce qui élèvent l’âme à en perdre le souffle,
Ascensions abruptes qui conduisent les cœurs égarés
Loin des dépits, infortunes et fatalités,
Parcourir les ocres effluves d’une poésie qui se respire
Ardente atmosphère propice au partage,
Durant ces insondables profondeurs,
Ermitage dépouillé d’artifices,
Plus précieux et rare que tous les ors et bijoux,
Que l’encens, la myrrhe, la soie et l’épice,
Sur la route du nomade,
Et ses carnets de damnés,
Sifflements du feu et flammes au vent,
Il y a,
Trésor de vie,
La chaleur, tendresse et lumière
De l’Amitié.


Dédicacé à l'Holy Day ...

(authentique tigre du Kafiristan)